Une publication très récente de chercheurs de New York University et de medecins du Mount Sinai Hospital de la même ville rend compte d’une expérience dans laquelle des rats ont pu être mis en condition de retrouver la mémoire d’événements survenus dans les premiers jours de leur vie: ils ont pu en effet, adulte, éviter un obstacle quils n »avaient rencontré ! et qui les avait choque, que dans leur prime enfance. Plus encore, ces chercheurs ont identifié la protéine qui active cette mémoire des événements les plus précoces de la vie, et ils ont constate qu’en l’ injectant on lutte contre ce qu’ils nomment l »amnésie infantile ». Ils démontrent bien ainsi au passage qu’il s’agit d’une amnésie, parce que le souvenir est enfoui dans la mémoire, et non d’une absence de mémoire, qui pourrait être liée à une formation incomplète du cerveau dans la prime enfance. Ils démontrent donc que, dans le cas du rat en tout cas, le cerveau est, dès la naissance, capable de mémoriser durablement des événements de toute nature et de s’en souvenir tout au long de la vie.
En sautant par dessus beaucoup de préalables et de précautions multiples, que tout scientifique doit prendre, on peut réfléchir a ce qui se passerait si une telle capacité était offerte a l’homme. : S’il lui était donné de se souvenir de tous les événements de sa vie, depuis sa naissance. Plusieurs auteurs de science fiction s’y sont essayes.
Pour ma part, si cela devenait possible, j’en attendrai plusieurs consquences.
D’abord, de priver les psychanalystes d’une part importante de leur travail, qui consiste a faire remonter a la surface de ce qu’ils nomment commodément « l’inconscient » de quoi nourrir leurs analyses du moi, du surmoi et des nevroses.
Ensuite, de permettre à chacun de savoir à quoi s’en tenir quant à l’amour de ses parents pour leurs enfants et entre eux, aux secrets de famille et aux autres chocs profonds qui peuvent advenir dans la prime enfance.
Enfin, cela conduirait sans doute les adultes a ne plus parler, ou se disputer, à tort et a travers devant les enfants en pensant qu’ils ne se souviendront jamais de rien. D’être moins violents avec eux, aussi.
D’une façon plus modeste, et sans attendre qu’une telle mémoire infantile soit disponible, il me semble que le bon comportement d’un adulte face à un bébé, est justement, dès aujourd’hui, de se comporter comme s’il comprenait tout, et qu’il s’en souviendrait toute sa vie. Et de les écouter attentivement en considérant que leurs gestes, leurs cris, leurs mimiques, répondent sérieusement à tous les messages des adultes environnants, qui ne savent pas, souvent, leur prêter attention. Bien des enfances seraient grandement améliorées par cette simple précaution. Bien des maladies mentales, bien des malheurs seraient évitées, bien des formes de « neurodiversité » seraient mieux comprises si on prenait au sérieux ce que disent les très jeunes enfants.
D’autant plus que, pour moi, telle est la réalité: les nouveau-nés sont porteurs de trésors de sagesse, qu’il faut écouter.
Pour ma part, j’aime même à penser, en m’émerveillant des réflexions très profondes de très jeunes enfants, qu’ils ne sortent pas d’une amnésie infantile. Mais qu’au contraire, que ce qu’ils nous disent sont en fait les dernières paroles de sagesse dont ils se souviennent de leurs vies antérieures, qui les abandonnent peu a peu pendant les premières années de leur nouvelles vies. Donc non pas une « amnésie infantile » mais une « amnésie de renaissance », dans laquelle la prime enfance serait le moment du passage d’un grand âge à l’enfance, de l’ultime oubli d’une vie antérieure.
Fantaisie ? Peut être. En tout cas l’humanité aurait tout à gagner à se conduire comme si les nouveau-nés avaient à nous transmettre les plus beaux trésors du passé. Cela serait le meilleur garant de la survie des civilisations.