Pour avoir, il y a quelques années, dénoncé ici-même Roissy CDG comme le pire aéroport du monde, je suis doublement heureux de constater les formidables progrès qui y ont été accomplis. D’abord, parce que cet aéroport parisien est devenu beaucoup plus convivial et que les accès y sont mieux indiqués – même si l’essentiel reste à faire, à savoir la meilleure gestion de la sortie douanière et la liaison rapide avec la Gare du Nord, sans lesquelles Roissy CDG sera bientôt paralysé. Ensuite, parce que c’est la preuve que, en France, un problème apparemment insoluble, une situation apparemment désespérée, un déclin apparemment irréversible peuvent être rapidement redressés par une équipe volontaire, compétente et motivée.

On ne peut pas en dire autant, pour l’instant, d’un autre point essentiel d’entrée dans Paris : les gares. Elles sont, depuis leur création, les mal aimées de la croissance. Dès qu’on a commencé à les installer, en 1830, elles n’ont pas trouvé de réelle identité. Au point même que les mots qu’on emploie depuis lors pour les décrire (« gare », « quai », « débarcadère »), restent empruntés au vocabulaire fluvial, sans qu’un lexique spécifique ne soit apparu pour l’univers des trains.

Aujourd’hui, les gares parisiennes sont dans un état lamentable : leurs abords sont misérables, leurs accès sont sales, leurs signalétiques sont désastreuses, leurs lieux de restauration, mis à part le mythique « Train Bleu » de la gare de Lyon, sont, pour la plupart, glauques ou à tout le moins impersonnels. Il n’y a dans ces gares aucune commodité ; les toilettes y sont lointaines et incertaines. Quand il fait froid, on y gèle. Quand il fait chaud, on y étouffe, comme dans une serre. On n’y trouve pas non plus de moyens d’accès efficients aux outils modernes de communication. Aucun lieu pour recharger facilement son téléphone ou son ordinateur, ni pour consulter ses mails. Le wifi y est incertain, quand il existe, en tout cas il n’est jamais indiqué ni proposé. Plus encore, les rues environnantes sont de moins en moins sûres.

Aucune ne vaut mieux que les autres : la gare Montparnasse est délabrée, la gare de Lyon est faite de morceaux épars, la gare de l’Est est incommensurablement triste et, surtout, la gare du Nord, première gare d’Europe et troisième du monde, d’où débarquent tous les jours des milliers de voyageurs venus d’une gare magnifique à Londres, Saint Pancras, ou d’autres, à Bruxelles, Amsterdam ou Cologne, moins rutilantes que Saint Pancrace mais incomparablement plus fréquentables que la gare du Nord. A Paris, il n’y a même pas de gare autoroutière digne de ce nom et les autobus qui se multiplient en Europe ne trouvent aucun accueil décent dans notre capitale.

On ne retrouve pas ce délabrement des gares parisiennes en province, où certaines sont exemplaires. Comme si, une fois de plus, les Parisiens voulaient prouver au monde qu’ils n’aiment pas recevoir ceux qui viennent les voir et leur apportent leur créativité et leurs ressources.

Certes, des travaux sont en cours un peu partout, en particulier Gare Saint-Lazare, où les premières tranches sont réussies. Mais cela ne doit pas servir d’alibi commode à la situation actuelle. On peut comprendre qu’on ait voulu donner la priorité aux besoins des banlieusards. Mais les travaux ont tardé à commencer et semblent interminables. Pire encore : pour la gare du Nord, les responsables de la SNCF viennent seulement d’annoncer un plan de rénovation dont la première étape doit se terminer… en 2023 ! C’est beaucoup trop lent. Pendant ce temps, Paris va perdre plus encore de son attrait et les quartiers voisins des gares vont continuer de se dégrader.

Cela doit changer au plus vite. Il faut que les gares deviennent une priorité des Parisiens, qui devraient tout faire pour bien accueillir ceux qui veulent les visiter. Tous devraient liguer leurs efforts immédiatement : Etat, Région, ville, SNCF et surtout la société qui lui est de nouveau rattachée, Réseaux ferrés de France (RFF), pour qu’avant cinq ans toutes les gares parisiennes soient au niveau d’excellence des meilleures du monde. L’argent ne manque pas pour cela : il suffit de le vouloir. L’impact en termes d’emplois, de sécurité et de croissance, serait incomparable. Encore faut-il que toutes ces autorités veuillent bien mettre en commun un peu de l’énergie qu’elles emploient à se concurrencer.