Le prochain sommet entre l’Union européenne et la Turquie sur la question des réfugiés  nous rappelle l’importance majeure de ce pays dans notre histoire et dans notre avenir.

Ce sommet, d’abord, est crucial : si on n’arrive pas a y trouver un accord avec Ankara, ce sont des millions de réfugiés, aujourd’hui retenus dans les camps turcs, qui débarqueront dans les iles  grecques, pour prendre la longue route qui les amènera jusqu’en Allemagne, en France, ou en Suède.

Et les Turcs, qui réclament aujourd’hui des concessions majeures de l’Union, ont beau jeu de soutenir qu’ils abritent et financent, en proportion de leur population, 10 fois plus de réfugiés que les Européens.

C’est donc notre intérêt qu’ils continuent a le faire. Aucune concession ne sera trop chère payée.

La Turquie est aussi essentielle, pour nous, par le rôle qu’elle joue dans le conflit en Syrie et en Irak.

Un rôle ambigu: proche des Américains, mais aussi, par un étrange jeu de dominos, soutien objectif de Daesh parce que les Turcs privilégient la lutte contre les Kurdes sur tout autre bataille, et considèrent tout ennemi des Kurdes avec une certaine bienveillance.

Un rôle essentiel aussi: car c’est par son territoire que passe une part importante du trafic qui alimente, finance et fournit en armes l’Etat Islamique.

Un rôle dangereux enfin: car son hostilité, désormais déclarée a l’égard de la Russie (dont elle a tué un pilote) et plus implicite a l’égard de l’Egypte, de l’Iran et de l’Arabie Saoudite, et son alliance avec le Qatar compliquent sérieusement la conduite des opérations militaire en Syrie et la recherche de toute solution diplomatique.

Dans cet imbroglio, la Turquie a beau jeu de soutenir que ses ennemis principaux sont ceux qui remettent en cause l’intégrité de son territoire, c’est a dire prétend elle, les Kurdes. Et que nul ne peut lui imposer ses décisions.

On pourrait trouver de très lointains précédents historiques a cette situation si dangereuse: la Turquie a déjà influe très largement sur le cours de notre histoire. Depuis le siège de Constantinople jusqu’à celui de Sébastopol, bien des épisodes nous rappellent qu’il y eut déjà des guerres entre les Turcs et les Européens, entre les Turcs et les Russes. Des guerres terriblement meurtrières.

Comment tant de siècles d’histoire ont ils été si facilement oublié? Pourquoi nos dirigeants manquent ils tant de profondeur d’analyse et de références historiques?.

Pourquoi sont-ils proches de refaire les femmes erreurs?

Sans doute faut-il chercher la cause de ce retour de ce qu’on appelait « la question ottomane » dans la désastreuse façon dont on a écarté, depuis 20 ans, la Turquie de toute perspective d’association a l’Union européenne, pour la pousser dans les bras d’un parti nationaliste et quasi-fondamentaliste.

Il ne sert a rien de refaire l’Histoire mais il n’y a pas de raison de considérer cette évolution comme irréversible.

Il suffirait de tendre la main aux Turcs, sans pour autant leur faire croire que leur entrée dans l’Union est aujourd’hui imaginable, pour qu’un ordre plus pacifique redevienne possible.

Tout faire, inlassablement, pour réintroduire la Turquie dans le jeu européen devrait être donc la priorité absolue de notre diplomatie.

Si on y parvient, et ce ne sera pas simple, il faudra se souvenir de cette catastrophe évitée de justesse pour ne pas refaire la même erreur avec les Russes en les isolant eux aussi, et en les rendant, eux aussi agressifs : rien n’a jamais été pire, pour nous, Européen, que de nous couper de nos voisins.