Après avoir beaucoup avancé, dans les années 90, avec l’effondrement du bloc soviétique, et l’évolution de l’Amérique latine, la démocratie semble aujourd’hui en recul. Certes, de nouvelles avancées ont lieu récemment, au Maroc, en Tunisie, en Irak, en Afghanistan, en Lybie.

Inversement, quelques pays démocratiques sont devenus des dictatures, comme le Venezuela.

D’autres sont passés d’un dictateur à un autre. C’est le cas dans certaines républiques de l’ancienne Union Soviétique, comme le Turkménistan, ou la Biélorussie. C’est le cas aussi de l’Iran, passé de la dictature du shah à celle des mollahs. C’est aussi le cas de la Chine et du Vietnam. Dans certains de ces pays, le pouvoir est passé de père en fils, l’un étant plus sanguinaire que l’autre ; comme la Corée du Nord, la Syrie, le Togo, la République Démocratique du Congo. Et tant d’autres.

D’autres encore, et ce sont les plus nombreux, sont entrés dans une zone grise, où la dictature évolue plus ou moins vite vers la démocratie, comme la Russie, certaines républiques d’Asie centrale, le Myanmar, Cuba, le Kenya et la Malaisie, ou au contraire où la démocratie glisse vers une dictature, comme les Philippines, l’Indonésie, la Hongrie, la Turquie et même l’Inde.

On devrait aussi distinguer les dictatures qui ne font de mal qu’à leur propre peuple, qui sont la majorité, et celles dont l’influence hors de leurs frontières est délétère, comme c’est le cas de celles qui sévissent en Iran, en Corée du Nord et dans quelques autres pays.

Globalement, le curseur de la planète se déplace plutôt, depuis quelques mois, vers moins de démocratie.

L’Histoire nous apprend que les dictatures s’effondrent dans trois cas : si le peuple n’a plus peur qu’on lui tire dessus et vient envahir les palais des puissants, comme ce fut le cas en Roumanie. Ou encore si les puissants eux-mêmes décident de ne plus tirer sur leur peuple, comme ce fut le cas en Union Soviétique. Ou enfin si une invasion venue de l’extérieur aide une résistance intérieure à en finir avec des tyrans.

Un embargo ne suffit pas, par lui-même, à y parvenir. Il peut même, parfois, souder un peuple autour de ces dirigeants, même s’ils sont épouvantables ; rares sont les cas où un isolement a suffisamment affamé un peuple pour que celui-ci se retourne contre ceux qui le dirige. Les Américains, qui vivent avec l’illusion que c’est leur politique qui a conduit à l’effondrement du communisme, (alors que c’est la décision de Gorbatchev de ne plus tirer sur ses peuples, et d ‘aller vers la démocratie) continuent de penser qu’il suffit d’isoler une nation pour faire s’effondrer son régime. L’exemple de Cuba aurait dû montrer que tel n’est pas le cas. Et je crains qu’ils aient la même déconvenue avec la Corée du Nord.

De plus en plus rares sont les cas des peuples qui se lèvent contre leurs dictateurs et réussissent à les faire partir, par la seule force de leur courage. C’est peut-être ce qui va arriver à Kinshasa.

Alors, que faire ? Faut-il ne pas se mêler de ce qui se passe chez les autres ? Après tout, de quel droit voudrait-on imposer la démocratie quelque part ? Et sans doute faut-il se contenter de tenter de mettre hors d’état de nuire les dictateurs qui nuisent au-delà de leurs frontières.

Comment ? Faut-il négocier avec eux ? L’exemple pitoyable de la soi-disant négociation entre les Américains et la Corée du Nord, (qui continue à avancer à grands pas vers l’armement nucléaire) montre que cela ne sert en général à rien.

Dans certains cas, une guerre préventive contre un régime dont l’action nuit à plus que son peuple épargnerait bien des morts : si on avait attaqué Hitler avant qu’il n’envahisse la Ruhr et qu’il ne reconstitue son armée, on aurait sans doute épargné des dizaines de millions de morts en Europe. Naturellement, rien de tel ne justifiait l’attaque sur l’Irak et celle sur la Libye, et une attaque préventive doit être pesée avec soin, comme un ultime recours.

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