A observer le chaos désolant de cette campagne électorale, où il n’est question ni de programme, ni de calendrier de mise en œuvre, on pourrait désespérer de la démocratie. Tout se passe comme si les Français trouvaient que la situation actuelle du pays était la pire possible, à l’exception de toutes les autres. Comme s’ils trouvaient que « c’était mieux avant », et qu’il ne faut rien changer.

En agissant ainsi, ils font le lit du Front National, qui lui, ose dire explicitement que « c’était mieux avant » et qu’il faut y revenir. De fait, tels sont ces trois principaux arguments :

1. Nous recevons trop d’étrangers, il faut revenir à une situation où il y en avait moins.
Même si la France ne saurait recevoir les dizaines de millions d’Africains et d’Asiatiques qui pourraient rêver d’y vivre, notre pays reçoit en fait aujourd’hui moins de 400.000 nouveaux migrants chaque année légale et illégale, soit moins de 6 pour mille de sa population, soit pas plus que dans le passé.
Nous en priver nous ferait perdre l’apport irremplaçable de ceux qui veulent bien exercer les métiers que plus aucun de nos concitoyens ne veut faire et des talents (qu’il ne faut pas confondre avec les diplômes) de tous ceux qui auront prouvé leur valeur en prenant le risque de venir jusqu’à nous. Ce serait le déclin assuré. Certes, il ne faut pas laisser ce nombre augmenter au-delà de nos moyens d’accueil et de nos besoins, et pour cela il serait infiniment plus efficace de protéger en commun, en y mettant des moyens communs, la frontière de l’union européenne que de fermer les frontières de chaque pays membre.

2. L’euro aliène notre liberté, il faut l’abandonner et retourner au Franc.
Même si on peut comprendre ce sentiment de contrainte qui pèse sur la France, parce que le chômage y règne et que l’Etat ne peut pas financer tous les projets urgents, ceci n’a rien à voir avec l’euro : bien des pays membres de la zone euro ne souffrent pas du chômage ; et l’euro permet à l’Etat d’emprunter à l’étranger à taux nul, ce qui serait impossible avec le franc. Quitter l’euro serait la certitude du chaos, qui commencerait avant même que le franc ne soit en place, les entreprises et les ménages aisés se dépêchant de placer leur argent à l’étranger dès que le risque de création d’une monnaie dévaluée deviendrait vraisemblable. Les victimes seraient les Français les plus faibles, qui ne pourraient placer leurs économies à l’étranger. Au total, les premières victimes de la mise en œuvre du programme du Front national seront ceux qui s’apprêtent à voter pour lui.

3. Nous avons tout essayé, sauf le Front National, qui nous rendra la grandeur passée.
Non, nous n’avons pas tout essayé. Ni la droite ni la gauche n’ont jusqu’ici appliqué les programmes qu’ils ont présenté à leurs électeurs. Aucun n’a osé. Aucun n’a même appliqué les réformes communes à leurs programmes, et qu’ils trouvent encore trop audacieuses, une fois arrivé au pouvoir, tout occupés à conserver leur popularité. Et si la France reste encore une grande nation, c’est grâce à l’inventivité et au travail des Français, pas à l’action de ses gouvernants.

Toute personne, comme toute nation, ne peut construire un projet sur de la nostalgie. Penser que c’était mieux avant, c’est se condamner à tout perdre, car le monde qui nous entoure ne sera plus jamais, lui, comme avant. Et nous ne pouvons conserver notre rang qu’en ayant confiance dans notre capacité de tirer le meilleur de ces changements. Pour cela, il est essentiel de considérer le reste du monde non comme un ennemi mais comme un partenaire, dont le succès conditionne le nôtre. Exaltant programme.