Comme bien des gens, je ne me résous pas à voir traités sans hiérarchie d’importance, dans les médias et les réseaux sociaux, des anecdotes dérisoire et des sujets majeurs, Cela n’est pas nouveau, mais cela s’accélère. Et pas seulement en France.
Des progrès majeurs sont faits tous les jours par des savants ; des gens magnifiques réussissent des prouesses ; des chefs d’oeuvre sont publiés. Et on n’en parle à peine.
On est peut-être à la veille d’une guerre nucléaire ; on empoisonne la mer et notre nourriture ; un milliard d’êtres humains s’endorment chaque soir ayant faim ; l’avenir est sombre pour des milliards de gens. Et on n’en parle pas non plus.
Les seuls sujets de conversation sont les tweets débiles d’un président et les mots malheureux d’un autre ; la toux d’une premier ministre à la dérive et les disputes entre invités d’une émission de télévision.
Tout cela me rappelle, à l’envers, le sublime film de Roberto Benigni, « La vie est belle », dans lequel un père, emprisonné avec sa femme et son très jeune fils dans un camp de concentration, et parfaitement conscient de la tragédie qu’ils traversent, fait croire à l’enfant que tout cela n’est qu’un jeu, pour le protéger de la peur et lui laisser vivre son enfance. Grace à la lucidité, à l’empathie, et au sens du sacrifice de son père, le fils survit. Pas son père.
Dans la réalité, c’est l’exact inverse : ce sont les fils qui prennent la vie au sérieux, et les pères qui la traitent comme un jeu. Ce sont les enfants qui ont le sens des responsabilités et les parents qui se conduisent comme des gamins capricieux et insouciants.
A en croire le reflet qu’en donne le vacarme des médias et des réseaux sociaux, beaucoup d’adultes d’aujourd’hui préfèrent en effet ne pas voir la réalité du monde, et se réfugier dans le spectacle d’anecdotes dérisoires et de réactions puériles, dans la médisance ou la critique de petits travers. Ils aiment à jouir du spectacle des défauts des puissants, comme pour oublier leur propre impuissance.
L’engouement pour les nouvelles technologies participe de cette futilité : on ne parle en effet que de celles qui fascinent ou amusent, et pas de celles qui déterminent réellement la vie des gens : on discute ainsi beaucoup du soi-disant cartel des GAFA, qui produisent surtout des objets de distraction ; et pas du tout du cartel des principales firmes produisant engrais et pesticides (Bayer, Dow, Dupont, Monsanto, et Syngenta) , qui, chaque jour d’avantage , s’approprient le vivant.
Imaginez la même situation, dans les circonstances de la guerre : le père aurait peut etre survécu quelque temps. Surement pas le fils.
Les plus jeunes, eux, savent cela. Avez-vous remarqué comme les enfants sont graves, aujourd’hui ? Ils devinent quel monde on va leur laisser. Ils maudissent en silence l’inconscience de leurs ainés. Et si l’occasion leur en est un jour donnée, s’ils ne meurent pas des enfantillages des parents, ils se vengeront.
Il est urgent, pour les adultes, de se conduire comme des grandes personnes, c’est-à-dire de retrouver le sens du tragique, de la brièveté de la vie, de son importance et de sa beauté ; de permettre aux générations futures de vivre une enfance d’insouciance ; et de se souvenir que la mission de chaque génération est de transmettre à la suivante le monde dans un meilleur état que celui dans lequel elle l’a reçu.