Alors que se termine à Osaka un G20 qui aura, une fois de plus, sauvé la face des dirigeants du monde, par un habile et dense communiqué, reste à écrire, et plus encore à mettre en œuvre, le grand plan qui serait nécessaire pour éviter la catastrophe écologique et sociale qui nous menace et pour construire un monde vivable pour tous en 2050,

Rien n’était plus saisissant, pendant cette réunion, que la contradiction entre certains dirigeants, dont le Français, réaffirmant leur responsabilité à l’égard des générations futures et appelant à faire beaucoup plus ; d’autres, dont le Brésilien, se contentant d’expliquer ce qu’ils font pour améliorer leur propre environnement, comme si rien de plus n’était nécessaire ; et d’autres enfin, comme l’Américain, qui ne vantaient que leurs propres performances économiques, sans aucune référence aux enjeux sociaux et climatiques du monde.

Rien n’était plus impressionnant non plus que de tenter de discerner, parmi ces dirigeants, ceux d’entre eux qui sont convaincus de l’imminence d’une apocalypse et qui font tout pour faire croire qu’ils pensent vraiment qu’il serait encore possible de l’éviter.

On sait, pourtant, ce qu’il conviendrait de faire ; la liste des mesures nécessaires a été établie depuis longtemps : une augmentation régulière et programmée, à l’échelle mondiale, du prix du carbone, permettant d’éliminer progressivement l’usage du charbon et des gaz de schiste, puis des autres énergies fossiles ; des incitations et des innovations en matière d’énergie propre, de recyclage et de protection de la biodiversité ; des réformes en matière agricole, sociale, sanitaire et éducative ; une fiscalité enfin cohérente avec ces enjeux; des mécanismes de protection des plus fragiles .

On sait aussi qu’il existe, pour financer tout cela, de nombreuses ressources, ne serait-ce que l’argent économisé mondialement par la baisse des taux d’intérêt depuis dix ans (dont 150 milliards en Europe seulement) et dans les cinq ans à venir (dont 100 milliards en Europe). Sans compter l’immensité des moyens que les Banques centrales pourraient, et devraient, dégager pour financer de tels projets.

Encore faudrait-il inscrire tout cela dans un plan concret, avec un calendrier, à l’échelle de la planète et de chaque continent. Un plan qui articulerait ce qu’il faut faire pour le climat, pour l’éducation, pour la santé, pour l’égalité des sexes, pour la pollution de l’air et de l’eau, pour le logement, la ville et l’agriculture. Pour atteindre les objectifs du développement durable fixés par l’ONU. Et pour faire en sorte que la recherche de la « positivité » (qui mesure la prise en compte par chaque pays, chaque ville, chaque entreprise, de l’intérêt des générations futures) soit enfin intégrée dans les mécanismes de prise de décision. A l’échelle du monde et de chaque continent.

Il n’en est rien. On n’y travaille même pas.

Et pourtant, les conférences succèdent aux conférences : pour ne parler que de cette année, après le G20 en Juin à Osaka, il y aura le G7 à Biarritz en Août, la conférence des Nations Unies en Septembre à New-York et la COP25 en Décembre au Chili.

Tout cela ne servira à rien, si on ne l’inscrit pas dans un plan à long terme, au moins jusqu’en 2040, avec des objectifs, des moyens, et un calendrier, dont la mise en œuvre serait suivie annuellement, en toute transparence, à l’Assemblée Générale des Nations Unies.

Au-delà des manifestations désespérées qui s’accélèrent, et des initiatives technologiques fascinantes qui s’annoncent, on ne peut se contenter d’espérer en un hypothétique sauveur. Il faut, pour sauver la planète, faire ce qu’on a fait il y a un demi-siècle pour aller sur la Lune. Planifier et agir. La vie le vaut bien.

j@attali.com