Une fois de plus, nous commémorons, ce 11 novembre, la fin d’une guerre effroyable, et d’autant plus absurde qu’elle n’aurait jamais dû commencer, un 1er août.

On sait par quel engrenage absurde et par quel improbable jeu d’alliances un attentat terroriste entraîna alors un conflit planétaire qui provoqua plus de 9 millions de morts. Or, chaque jour, la situation contemporaine ressemble davantage à celle de 1914. Comme à l’époque, le monde est au début d’une formidable vague de progrès techniques. Comme à l’époque, un empire décline et d’autres se lèvent. Comme à l’époque, tout laisse espérer la victoire de la démocratie dans de nouveaux pays et la réussite de la mondialisation. Comme à l’époque, de vastes mouvements de populations ébranlent les continents. Comme à l’époque, une crise financière, des tentations protectionnistes, des partis populistes, des mouvements terroristes conduisent les esprits les plus lucides à craindre un engrenage fatal.

Et, comme à l’époque, des foyers de conflits potentiels se multiplient, en réseau, à la merci de la moindre étincelle.

Qui ne voit que les tensions en Ukraine, en Syrie et en mer de Chine constituent aujourd’hui des lieux d’affrontement possible entre les occidentaux et les anciennes nations communistes? Des affrontements d’autant plus absurdes que ces deux camps auraient tout à gagner à s’allier contre le terrorisme, la pauvreté et le réchauffement climatique.

Dans ce monde dangereux, la voix de la France est particulièrement nécessaire. Que ne veut-elle se faire entendre, autonome, libre, haute, raisonnable! Notre pays est mieux placé que n’importe lequel autre pour dire aux Américains l’absurdité de leur obsession antirusse; aux Russes, l’inconsistance de leur peur de l’encerclement; aux Chinois, l’urgence de s’occuper de leurs problèmes intérieurs; aux Allemands, le scandale de leur absence de la scène militaire mondiale.

A tous, en Europe et en Afrique, la France pourrait en particulier, avec un peu d’audace, rappeler que si elle dépensait aussi peu que l’Allemagne pour sa  défense, sa dette publique serait inférieure à celle de ce voisin, dont l’orthodoxie financière n’est que l’autre nom de son impuissance militaire.

La France doit prendre la tête de la croisade pour la paix. C’est d’une urgence extrême. Elle est crédible dans ce rôle, par l’ampleur des moyens qu’elle consacre à la Défense, par sa position géographique et historique, par sa capacité à être l’amie de tous. Personne d’autre ne peut le faire. A condition d’avoir, au plus haut niveau, une vision claire des enjeux: face à la menace d’une troisième guerre mondiale, il ne faut pas confondre la mobilisation pour la paix avec le pacifisme.

La France devra même, dans la décennie à venir, dépenser beaucoup plus d’argent pour sa puissance militaire, et afin d’ériger la Défense européenne en exigence majeure dans le dialogue franco-allemand: si l’Allemagne ne veut ou ne peut pas consacrer, comme nous, 2% de son PIB à son armée, elle doit attribuer cette somme à l’Union, pour financer une armée européenne, ou à la France, qui en assume la charge.

Celle-ci devra faire entendre qu’elle n’a pas de leçons à recevoir de peuples qui font financer par d’autres leur propre  protection, sous le prétexte devenu obsolète qu’ils ont fait il y a 70 ans une utilisation barbare de leurs propres  armes.

Défendons les. Défendons nous. C’est la condition de la paix. C’est le seul moyen de réaliser l’armistice avant même de déclencher la guerre.