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Avec la fin rêvée du confinement (rêvée parce que rien ne permet vraiment d’être certain qu’un nouveau confinement ne sera pas bientôt nécessaire, même dans les pays bénéficiant des vaccins), le moment est venu de savoir si nous voulons vraiment en  revenir au monde d’avant.

Le monde économique, comme les Etats y ont intérêt : le monde d’avant assurait du travail, des profits, et des revenus fiscaux.  Chaque élève en a aussi besoin,  pour retrouver un enseignement réel, qui, depuis des millénaires, n’a jamais été autre  chose qu’une transmission direct d’un enseignant à des enseignés.

Chacun d’entre nous en rêve aussi, pour retrouver nos plaisirs d’avant, et en particulier l’accès au spectacle vivant, aux restaurants, aux hôtels, aux voyages.

Et pourtant, si cette parenthèse se termine vraiment, il faudra oser en tirer des leçons de mille natures, et ne surtout pas revenir au même.

J’ai dit, ici et ailleurs, à plusieurs reprises, que cela devrait être d’abord le moment de prendre conscience de l’importance d’une profonde transformation de la nature de la production, où on mettrait progressivement de côté toutes les activités liées à la production et à l’usage des énergies fossiles, du sucre, du tabac, et de toutes les autres sources de mort, pour développer toutes les activités de « l’économie de la vie » qui manquent cruellement (santé, éducation,  hygiène, alimentation saine, agriculture durable, énergies  durables, logement durable, digital, recherche, culture, démocratie, sécurité) et l’ensemble des secteurs nécessaires à leur développement. Cela suppose une vraie vision à long terme, mise en œuvre dans la durée par les investisseurs, les entrepreneurs, les gouvernements. Cela devrait être dès aujourd’hui l’objet de très grands débats, en particulier pour donner du sens aux plans de relance, qui d’un côté favorisent les activités utiles à la lutte contre le réchauffement climatique et d’un autre fournissent d’infinis moyens aux secteurs qui l’aggravent.

D’autres sujets plus urgents s’imposent, en particulier dans le monde du travail : quel que soit leur secteur d’activité, les travailleurs voudront-ils vraiment revenir travailler comme avant et dans les mêmes conditions qu’avant ?

Dans de nombreux secteurs, et en particulier dans l’hôtellerie, de nombreux travailleurs rechignent à reprendre le travail, soit parce qu’ils sont heureux des conditions actuelles de leur protection sociale, soit parce qu’ils ont pris goût à une indépendance, à une absence de hiérarchie, à une gestion plus personnelle de leur temps, et qu’ils se rêvent devenant leur propre patron.

Par ailleurs, dans de nombreuses entreprises, et  services publics, on aura compris que le même travail peut être accompli par moins de gens, avec moins de réunions, en beaucoup moins de temps. On aura aussi pris acte de la durée inutilement longue des réunions à distance, du nombre inutilement élevé de ceux qui y participent.

Enfin, on aura compris plus clairement que la frontière entre travail salarié et travail autonome est beaucoup plus floue qu’on ne le croyait, qu’un salarié peut être à temps partiel un consultant, qu’un actif peut être à temps partiel un retraité, et réciproquement.

Il est temps d’expérimenter autre chose, selon les secteurs et les métiers : la semaine de quatre jours, (avec la même durée hebdomadaire) ; le partage durable entre deux jours au bureau et trois jours de télétravail ; la limitation à une heure de toute réunion réelle ou virtuelle, et la limitation à dix du nombre de leur participants. Et bien d’autres initiatives.

Cela aura des conséquences considérables sur bien d’autres secteurs, et sur la vie des familles. La société ne sortira pas indemne de cette très longue parenthèse. Il est temps de s’y préparer.

j@attali.com