En ces temps gris et troubles, où tant de populistes s’installent, dans tous les domaines, on pourrait s’inquiéter de ce qu’il en est en art.

Les décisions protectionnistes du président Trump, les représailles européennes et chinoises ont de quoi troubler. C’est comme ça qu’ont commencé les grandes crises économiques et les guerres les plus terribles.

Et l’art n’en est jamais indemne. Plus encore, il est parfois à l’avant-garde de ces drames : A chaque fois en effet qu’une vague de nationalisme a déferlé sur un coin du monde, il a commencé, ou il a continué, et il a fleuri, en art.

A la fin du 18eme siècle, on a exigé d’écrire des opéras en langues nationales avant que ne commencent les mouvements nationalistes. Au début du 20eme siècle et dans les années 30, les mêmes folies se sont emparées de certains peuples.

Aujourd’hui, il n’en est rien. En tout cas pour le moment.

Certes, on voit, en Asie en particulier, les collectionneurs, les galeries et les musées se ruer sur les œuvres d’artistes d’origine locale. Mais pas encore d’opprobre jeté sur les artistes étrangers. Le cinéma américain est toujours relativement bienvenu en Chine. Il en va de même pour la musique. Même si la réciproque n’a jamais été vraie. Nul n’écoute de la musique chinoise hors de Chine. Sans pour autant qu’on puisse en rendre coupable une sinophobie inexistante.

En Europe, où le populisme gagne du terrain, on n’observe encore rien de tel, et l’art reste ce qu’il doit être : cosmopolite, métissé, accueillant, divers. Tant dans les musées que dans les galeries et les ventes.

On n’a jamais autant exposé d’artistes africains qu’en ces temps hostiles aux migrants, écouté de musiciens américains en ces temps de guerre commerciale, vus de films chinois en ces temps de puissance renouvelée de Pékin.

Il va donc falloir suivre avec la plus grande attention ce qui se joue sur ces marchés.
Même s’ils restent minuscules au regard des grands enjeux du protectionnisme des biens industriels et des services financiers, c’est là que se jouera l’essentiel. C’est là que pourrait se déclencher le pire.

j@attali.com