En parlant des réfugiés et des migrants, on mélange plus ou moins sciemment deux sujets : celui de la façon dont on traite les migrants et les réfugiés qui ont réussi à rejoindre la France et celui du nombre de ceux qu’on doit garder. On feint de croire que, si on traite bien ceux qui sont arrivés en France, on en fera venir beaucoup plus d’ailleurs et qu’on ne saura plus les faire partir.
C’est faux : d’abord, les chiffres restent extrêmement faibles. Selon l’OCDE, la France a accueilli en 2016 78.000 réfugiés et demandeurs d’asile, auquel s’ajoute 180.000 autres immigrants, dont 90.000 pour le regroupement familial et 70.000 étudiants. En 2017, on aurait atteint 100.00 réfugiés et demandeurs d’asile. Et cela continue au rythme de 7 à 8000 par mois en moyenne. On parle donc là de 1,5 pour mille de la population française. Un et demi pour mille !!!!!! Il est possible d’accueillir dignement chaque année un et demi pour mille de la population française ! Même deux ou trois pour mille !
La France n’est d’ailleurs pas aux avant-gardes de cet accueil : Elle qui en 2010 accueillait un demandeur d’asile sur 5 en Europe n’en accueille plus aujourd’hui qu’un sur 15.
De plus, ceux qu’on reçoit on le plus grand mal à être accueilli dignement. S’il n’y avait l’extraordinaire travail d’associations qui pallient la carence de l’Etat, et de formidables fonctionnaires attentifs et débordés, un demandeur d’asile ne pourrait jamais passer dans le labyrinthe des PADA, GUDA, CAES et OFIII, OFPRA. Quand il n’est pas renvoyé, par l’injuste procédure dite de Dublin, vers le pays européen qui l’a accueilli le premier, reportant la charge la plus lourde sur le plus faible d’entre eux, la Grèce. Au moment même où les Français réclament des Britanniques une procédure exactement contraire !
Pire, encore : non seulement on les reçoit mal, mais on les maltraite : J’ai vu, de mes yeux vus, des policiers gazer des jeunes gens qui marchaient tranquillement un dimanche après midi dans les rues de Calais, aux abords de la gare routière. Juste pour les en déloger. J’avais de la peine non seulement pour ces jeunes mineurs venus du bout du monde, mais pour ces policiers qui accomplissaient une tache indigne de leur uniforme, et de la morale qu’ils sont censés défendre.
La priorité doit être de bien traiter ceux qui sont là ; et pour cela, de se donner les moyens d’analyser beaucoup plus vite s’ils relèvent du droit d’asile et, si c’est le cas, de le leur donner plein et entier. Il n’est pas normal que quelqu’un qui a un droit de rester légalement sur le territoire français n’ait pas le droit d’y faire des études et d’y travailler, même provisoirement, c’est-à-dire de contribuer positivement à la nation qui le reçoit.
Par ailleurs, une fois une politique explicite définie, et elle ne l’est pas, on doit être intraitable sur l’expulsion de ceux qui n’ont pas été autorisés à rester. En les traitant avec respect avant leur expulsion, en particulier en leur accordant un accueil inconditionnel en hiver dans des logements d’urgence. Et là encore s’en donner les moyens.
Et s’il faut, pour tout cela, plus de ressources qu’on les trouve ; on ne parle pas de sommes considérables et je fais partie de ceux qui seraient prêts à payer plus d’impôt pour mieux traiter ceux qui cherchent refuge en France, si on me garantissait que cela ne serait pas perdu dans les gaspillages innombrables des transferts sociaux, des retraites privilégiées, et des avantages nouveaux accordés aux détenteurs du capital.
En recevant mal ceux qui viennent chez nous, par le malheur de leur destin, on s’habitue à manquer de cœur, on pourrit son âme, tant comme nation que comme individu. N’oublions pas cette vieille leçon de l’histoire : En tolérant qu’on maltraite l’étranger, on finit par déclarer étranger celui qu’on voudrait pouvoir maltraiter.