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Quand, en France, prendra-t-on au sérieux les élections législatives ? Quand, en France, s’intéressera-t-on aux programmes des candidats plus qu’à leurs postures et à leurs rodomontades ? Quand les partis proposeront-ils des programmes sérieux, ambitieux et complets ? Quand tiendront-ils compte de l’évolution tragique du climat et de la diversité, d’une famine mondiale inévitable, d’une inflation explosive, d’un affaiblissement de la laïcité et de la sécurité ? Et aussi, malgré les réformes, plus ou moins timides, osées lors des trois deniers mandats présidentiels, quand prendront-ils la mesure d’une école en pleine déroute, d’une université à l’abandon, d’un système de santé délabré, d’une industrie de moins en moins compétitive, et de dépenses publiques plus élevées que nulle part ailleurs dans le monde !

Une fois de plus, la campagne électorale pour les élections législatives, qui se termine cette semaine,  n’aura pas été l’occasion de débattre d’un projet de société crédible, face à tous ces défis, ni d’aucun des grands sujets des cinq prochaines années (sauf le pouvoir d’achat et les retraites), mais de se jeter à la figure des invectives, des insultes mêmes, remettant en cause le respect dû à nos élus et à nos institutions, et de lancer des propositions aussi irréalistes les unes que les autres :

A l’extreme droite et à l’extrême gauche, on propose de revenir à la retraite à 60 ans, qui avait du sens il y a 40 ans quand l’espérance de vie était de sept ans de moins qu’elle ne l’est aujourd’hui, mais qui, aujourd’hui, supposerait un considérable alourdissement des charges fiscales et sociales.

A droite et à l’extrême droite, on propose des programmes fantomatiques, totalement centrés sur l’immigration, dont on ne sait plus, à entendre les derniers discours des uns et des autres, si ces partis souhaitent l’interrompre, ou renvoyer les étrangers ou, selon les derniers discours, mieux intégrer des nouveaux venus nécessaires. Et pratiquement rien sur les autres sujets.

A l’extrême gauche,  qui a réussi à obtenir la soumission aveuglée des sociaux-démocrates, on  propose  un programme très innovant sur la mer et la francophonie et  très  insuffisant en écologie (audacieux sur certains sujets et complètement irréaliste sur beaucoup d’autres puisqu’il prétend couvrir les besoins en énergie du pays en se privant d’abord du nucléaire, puis de l’éolien, et bientôt du pétrole) ; un programme totalement délirant en économie (il annonce des hausses des dépenses publiques cinq fois supérieures à celle que la gauche mit en œuvre en 1981 et promet pour les financer des impôts suicidaires pour les entreprises et les épargnants, sans  aucune des réformes de structure que la gauche en osa en 1981 (sans jamais y renoncer, contrairement au mythe d’un «  tournant » en 1983)) ; un programme largement antirépublicain (renonçant de fait à la laïcité pour vanter la créolisation) ; un programme lâche diplomatiquement (remettant en cause, sans oser vraiment le dire, tout soutien à l’Ukraine). Et, pour pimenter le tout, avec des postures et des alliés explicitement antisémites.

Dans les partis au gouvernement, on fait preuve d’un certain courage sur les retraites et sur le retour au travail, mais en ne proposant rien de mieux pour compenser l’inflation et répondre aux urgences de toute nature que des dépenses budgétaires illimités, sans véritables réformes de structures, ni économies ni impôts nouveaux.

A lire cela, on peut se demander si les Français savent vraiment que c’est le Parlement qui vote le budget,  que c’est lui qui décide, en fin de compte, de la composition du gouvernement, que si l’extrême gauche arrive au pouvoir et applique son programme, elle ruinera en moins d’un an tous les espoirs des plus pauvres,  poussant la France dans les bras de la droite pour trente ans de plus ; et que, si la majorité actuelle conserve le pouvoir, il faudra faire confiance à son pragmatisme, et la pousser sans cesse à  avoir le courage d’oser mettre le pays en économie de guerre, pour lui donner tous les moyens pour travailler, et plus seulement pour consommer. Pour faire face à tous les enjeux à venir. Pour basculer au plus vite, vers l’économie de la vie.

j@attali.com