La violence est partout, aujourd’hui. On la retrouve dans toutes les dimensions de la société, et pas seulement en France. Contre les homosexuels, les journalistes, les professeurs, les hommes politiques, et tous ceux qui ont un peu de différence, d’influence, ou de pouvoir.
Beaucoup voudrait que nul ne puisse plus critiquer ou remettre en cause une autorité ; que tout soit lisse, uniforme, consensuel.

Rien n’est plus dangereux. D’abord, évidemment, pour la démocratie, où la force n’est jamais un argument. Et plus généralement, c’est toujours dans la discussion que se trouve la construction de solutions raisonnables.

A côté de ces manifestations de violence individuelle, d’autres sources sont en train de réapparaître, dans les relations internationales. Des sources de tension, qu’on croyait maîtrisées pour toujours, rouvrent des chemins vers l’enfer. Et même si toutes les statistiques officielles sont rassurantes, voulant démontrer que toutes les formes de violence sont au plus bas, les faits démontrent le contraire. Tant dans la violence privée que dans ce qui menace entre nations.

Ainsi, il faut prendre très au sérieux l’annonce par le président américain de sa volonté de sortir du traité INF (Intermediate Nuclear Forces Treaty) sur les armes nucléaires de portée intermédiaire, un traité signé en 1987 par le dernier dirigeant de l’Union soviétique, Mikael Gorbatchev avec le président américain Ronald Reagan.

Ce traité, en abolissant l’usage de toute une série de missiles d’une portée variant de 500 à 5.500 km, avait mis un terme à la crise déclenchée dans les années 1980 par le déploiement des SS-20 soviétiques à têtes nucléaires en Europe de l’Est. Et par la décision américaine d’installer des fusées équivalentes en Allemagne de l’Ouest. Jusqu’à ce que la négociation ait conduit à démanteler ces armes, des deux côtés.

Donald Trump accuse la Russie de ne pas respecter ce traité « depuis de nombreuses années » Il se plaint en particulier du déploiement par Moscou du système de missiles 9M729, dont la portée, selon Washington, dépasserait les 500 km, en violation du traité. Et d’annoncer que les Etats-Unis se mettraient à « développer aussi ces armes ».

Le vice-ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Riabkov a rejeté ces accusations : « Non seulement nous ne violons pas le traité, mais nous le respectons de la façon la plus stricte », « Et nous avons fait preuve de patience au fil des années face à de flagrantes violations du traité par les Etats-Unis eux-mêmes ». Il a qualifié cette décision de « très dangereuse », qui, selon lui, «ne sera pas compris par la communauté internationale et va même s’attirer de sérieuses condamnations ». Il a ajouté : Si les États-Unis continuent à agir « de façon maladroite et grossière » et à se retirer unilatéralement de traités internationaux, « alors nous n’aurons pas d’autre choix que de prendre des mesures de rétorsion, y compris impliquant de la technologie militaire ».

Mikhaïl Gorbatchev, signataire du traité il y a trente ans, est immédiatement sorti de sa réserve pour dénoncer « le manque de sagesse » du président américain actuel, appelant « tous ceux qui chérissent un monde sans armes nucléaires » à convaincre Washington de revenir sur sa décision, afin de « préserver la vie sur Terre ».

Berlin a réagi aussi en disant « regretter » le retrait des Etats-Unis du traité, et demandant qu’on en discute au sein de l’OTAN, car une telle décision ne saurait être unilatérale.

Si cela s’envenime, on pourrait imaginer l’installation de forces nucléaires tactiques américaines en Pologne, ce que la Russie ne pourra accepter. On peut craindre aussi la dénonciation du traité New Start sur les missiles stratégiques, qui arrive à expiration en 2021. On se retrouverait alors dans une situation équivalente à celle des années 1980, avec des armes infiniment plus sophistiquées.

Et ceux qui pensent que « c’était mieux avant », seront sur ce nouveau terrain, une fois de plus, contredit.

j@attali.com