Devant l’avalanche de surprises, bonnes et mauvaises, qui a déferlé sur l’humanité pendant l’année qui s’achève, on peut être tenté de renoncer à prévoir quoi que ce soit pour l’année qui vient. 2017 serait, plus encore que 2016, hors de portée de toute prévision.

Pourtant, un grand nombre de choses ont pu être annoncées avec exactitude au début de 2016, et je m’y suis en particulier essayé, il y a exactement un an à cette même place.

Et bien des choses qui ont eu lieu sans être prévues auraient pu l’être si on avait bien voulu admettre que ce qui est rationnellement certain n’est pas nécessairement humainement probable. Et même que, de plus en plus, dans ces temps troubles, des peuples peuvent prendre des décisions qui se révèlent ensuite contraires à leurs propres   intérêts.  Pour 2017, on peut se livrer au même exercice et prévoir assez facilement ce qui est rationnellement certain, en termes  politique, démographique et technologique, en le distinguant de ce qui est humainement probable bien que irrationnel.

A la fin de 2017, il y aura un nouveau leader en place aux Etats Unis, en France, en Allemagne, en Italie. Et si le plus vraisemblable est qu’ils se nomment Trump, Fillon, Merkel et Di Maio, c’est loin d’être certain, même aux Etats-Unis. Et encore plus en Allemagne. Dans les deux cas, il existe des scenarii très convainquant montrant que les leaders vraisemblables de ces deux pays pourraient ne plus être au pouvoir en décembre prochain. De même pour la Grande Bretagne.

De même s’il est aussi vraisemblable que nous entrerons dans une phase de protectionnisme, d’abord en Chine, au Brésil, aux États-Unis puis en Europe, et que cela aura un impact négatif sur la croissance du monde, ce qui devrait, rationnellement, doucher l’optimisme qui submerge en ce moment les marchés financiers occidentaux, pour qui le pire est derrière nous.

De même, si nul ne peut dire avec une quelconque certitude quand et où auront lieu les prochains attentats terroristes, il est certain qu’ils auront lieu ; de même, si on ne peut dire ce qui restera dans douze mois du régime sanguinaire d’Assad et de Daesh, ni quand et où auront lieu les prochaines escarmouches entre les Etats-Unis et la Chine ou entre la Russie et l’Ukraine, il est certain que, en 2017, la tension internationale ne se réduira pas. On ne peut non plus imaginer quelle mouche belliciste pourrait piquer le futur président des États-Unis et son vice-président théocrate, sinon qu’il est certain qu’ils participeront du désordre du monde.

On peut aussi prévoir une négociation houleuse et non conclusive du Brexit, des migrations massives venues de l’Afrique, du Moyen Orient, du Pakistan, et du Bengladesh, victimes de guerres et des mutations climatiques.

On peut aussi prévoir que partout la critique des élites, mêmes de celles dont la légitimité universitaire est la moins contestable, s’accentuera et deviendra très violente, tandis qu’on aura une tendresse croissante pour les vedettes et les animateurs des émissions de télé-réalité, parce qu’ils flatteront la paresse et la mesquinerie habituelle de fractions d’opinions publiques à la recherche de boucs émissaires et de distraction.

On peut encore prévoir une croissance sensible  des classes moyennes en Asie et en Afrique et la poursuite de leur paupérisation en Europe et aux Etats-Unis, ou des fortunes de plus en plus énormes choqueront, révolteront même, de plus en plus, lorsqu’elles ne seront pas mises au service de causes humanitaires.

De tout cela, il faut tirer trois leçons pour l’année qui vient :

1. Se préparer à vivre de grandes surprises. Pour cela, il est important de ne pas penser qu’un résultat, quel qu’il soit, soit acquis d’avance à la cause de la liberté et de la raison. De ne pas penser en particulier que la violence, ne sera que pour les autres et que les Européens ne la verrons qu’à la télévision. Ce qui veut dire qu’il faudra être le plus mobile possible, le plus préparé à changer, bouger, déménager.

2. Se préparer à de grandes batailles, pour que nous ne soyons pas, même infinitésimalement, responsables du pire. Et donc, sans cesse, expliquer que notre avenir est mieux assuré si nous agissons, si nous ne nous résignons pas, si nous ne perdons jamais courage face à l’adversité.

3. Se préparer à être altruiste, pour que chacun puisse créer l’environnement le plus bienveillant possible autour de lui, car c’est de la solidarité et de l’empathie que dépendrons l’efficacité de la résilience et de la  résistance.

Il m’est arrivé de comparer notre humanité à une salle de bal, dans laquelle chacun de nous est venu danser. Et où chacun réalise que le risque est grand de voir les rideaux s’enflammer et la panique conduire à la mort de tous les danseurs, qui ne pourraient  atteindre à temps l’étroite et unique sortie. Dans ce contexte, la meilleure attitude est double : d’une part danser près de la porte et ainsi de profiter du meilleur du monde, tout en étant prêt à le quitter à temps. Et d’autre part ne pas perdre une seconde, pour alerter les autres danseurs et les responsables de la salle pour qu’ils prennent les précautions nécessaires.

Telle serait la meilleure ligne de conduite pour 2017 : se préparer égoïstement au pire et aider altruistiquement au meilleur.