Pour avoir depuis longtemps expliqué qu’il fallait se prendre en main et ne plus rien attendre des politiques, je serai assez tenté de ne pas attacher la moindre importance aux élections présidentielles à venir, pas plus qu’à une autre, en France comme ailleurs.

Bien des gens sentent bien qu’elles ne vont pas vraiment changer leur vie et que c’est en se prenant en main qu’ils seront heureux.

Seuls ce que j’ai appelé les « résignés-réclamants », résignés à vivre une vie dictée par d’autres, et réclamant quelques miettes de protection supplémentaire, peuvent attacher vraiment de l’importance aux campagnes électorales. Et de fait, c’est à eux, ou plutôt à ce qui, en chacun de nous, renvoie à cette pulsion, que les candidats s’adressent. Tout naturellement, le débat tourne alors sur les conditions de la protection sociale, les moyens de l’éducation, de la défense et de la sécurité ; toutes choses absolument nécessaires. Mais qui, si on réduit la politique à cela, ne peut que fournir le cadre d’une aliénation, plus ou moins confortable.
Le salariat fut une formidable libération, en permettant d’échapper au servage. On peut aujourd’hui imaginer le dépasser en allant plus loin dans la liberté, en permettant à chacun d’être maître absolu de sa vie.
Chacun, et un pays tout entier, n’échappera pas au désespoir et au déclin si ses habitants n’ont pas envie, et les moyens, de se choisir, de s’épanouir, de se respecter, de se prendre en main. Si chacun n’est pas mis en situation de créativité et de liberté, de risque et d’audace ; de vivre une vie pleine, faite de bon temps, choisi, créatif et libre, de vivre sa propre vie, ce que je nomme « devenir soi ».

Alors, faut-il renoncer à voter ? Non, bien sûr. Ne serait-ce que pour éviter de laisser ce qui, en chacun de nous, est « résigné réclamant », choisir le pire, en enfermant le pays dans une idéologie d’assistance, d’exclusion, de méfiance et de haine, qui ne glorifierait que le passé et rendrait impossible le devenir soi.
Alors, n’attendez pas tout des élections. Pensez, plus que ne jamais, à ce que vous pouvez faire pour vous-même, pour les autres, pour vos voisins et pour votre pays. Ne regardez dans les programmes des candidats que ce qui peut aider chacun d’entre vous, (et vos enfants, qui n’ont pas encore le droit de vote), à devenir soi.

A cet aulne-là, les programmes prennent une toute autre couleur :
Qu’est-ce que les candidats proposent pour améliorer les conditions d’épanouissement des enfants, dans leurs familles, à la crèche, en maternelle ? Que proposent-ils pour que les adolescents échappent au désespoir et à la rage, faute de débouchés, de projets, d’ambition ? Que disent-ils de la formation à la création ? A l’altruisme ? A l’initiative ? À l’empathie ? comment proposent-ils de réorganiser l’orientation scolaire, véritable scandale de nos sociétés ? Que disent-ils de la formation continue, qui doit aider chacun à se trouver à tout âge de la vie ? Comment parlent-ils de la prévention, fondement de la santé, et dont la base est le respect de soi ? Comment pensent-ils aider à échapper à l’aliénation du salariat pour trouver ce en quoi chacun peut être unique et réussir à l’exprimer ? Comment proposent-ils de réduire la souffrance au travail, la caporalisation dans les entreprises, le sexisme, le mépris des différences ? Que proposent-ils pour aider chacun à réussir sa vie ? Et à trouver son bonheur en aidant les autres à la réussir ?

A vous de le chercher. A vous de l’exiger.