Il n’est pas difficile de voir ce qui, dans la vie de chacun, comme dans celle de tous, peut faire de 2019 une année catastrophique.

L’économie mondiale, assise sur des pyramides de dettes, peut s’effondrer et nous plonger dans une récession pire que celle qu’on a connue il y a dix ans. Des dirigeants plus ou moins irresponsables peuvent penser trouver la solution de leurs problèmes dans le protectionnisme, accélérant la crise qu’ils prétendraient empêcher.

Dans bien des lieux du monde, la misère la plus terrible va continuer à sévir, par le fait du climat, ou de la folie des hommes. Par la guerre, la maladie, l’esclavagisme, l’exploitation ou le terrorisme.

Dans d’autres lieux, des richesses absolument obscènes, absolument pas justifiées, continuent de s’accumuler et de se gaspiller.

Si cet égoïsme tragique se prolonge en 2019, il entraînerait l’oubli des modestes engagements pris en faveur du climat, rendant plus irréversible encore la catastrophe environnementale qui attend les générations à venir.

Plus particulièrement, en Europe, bien des crises spécifiques sont possibles en 2019 : une sortie mal gérée de la Grande Bretagne de l’Union nuira très gravement aux Anglais comme aux autres Européens. Une crise politique ou financière en Italie pourrait faire s’effondrer l’édifice complexe qui protège aujourd’hui les banques européennes, et surtout les travailleurs qui y reçoivent leur salaires et les épargnants qui y ont déposé leurs économies. Enfin si l’Europe, en cette année 2019 de transition électorale, continue de rester paralysée face aux enjeux technologiques de demain (intelligence artificielle) et surtout d’après-demain (le biomimétisme), elle ne sera plus, définitivement, qu’une proie pour les deux puissances du monde, la Chine et les Etats-Unis. Après 2019, il ne sera plus temps de réagir.

En France, si la colère légitime des plus pauvres et des classes moyennes est oubliée, si les très riches, se contentant d’un lâche soulagement, n’entendent pas l’avertissement, et n’agissent pas vite, la crise des gilets jaunes restera dans l’histoire comme le premier signe annonciateur d’une révolution très profonde, qui fera table rase des structures politiques de ce pays. Car, sans réponse généreuse et audacieuse, d’autres forces, qui sont restées très calmes dans ces moments difficiles, pourraient se mettre en branle et finir de faire s’effondrer une pyramide sociale à la légitimité frelatée.

Enfin, si, dans ce contexte, chacun d’entre nous se referme dans sa sphère privée, n’aidant plus que ceux qui lui sont le plus proches, attendant tout du pouvoir sans vouloir le prendre, le pire est plus que possible. En France comme ailleurs.

Dans ce cas, 2019 pourrait rester comme l’année du basculement vers le désastre.

Bien sûr, cela n’est pas certain, et cela dépend de nous. D’abord à l’échelon individuel : Pour cela, il faut que ces crises nous apprennent que tout dépend de nous, que nous devons prendre entre nos mains notre destin, ne pas nous contenter de tendre la sébile. Comprendre que ce n’est pas en attendant que les autres vous aident mais en aidant les autres qu’on trouvera une solution à ses propres problèmes.

C’est en réalisant que l’empathie est la meilleure des conduites, même quand on vise le succès le plus égoïste.

Si on applique ces principes simples dans la vie de tous les jours, dans notre engagement familial et citoyen, associatif et politique, culturel et amical, si nous choisissons des dirigeants qui les appliquent, en France et ailleurs, alors on peut avoir une année 2019 très positive, marquant enfin une inflexion vers le meilleur.

Dans ce cas, nous aurions frôlé le précipice sans y tomber et nous pourrions, en 2020, sourire du cauchemar que nous aurions su éviter.

Tout est entre nos mains.

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