Quelques évènements récents devraient rappeler à toute personne de bonne foi l’absurdité de l’antisémitisme, de l’antislamisme, et de leurs produits dérivés, l’antisionisme et l’hostilité à la création d’un Etat Palestinien. Ils pourraient même montrer que l’avenir de nos civilisations se jouera dans le dialogue pacifique et constructif des trois monothéismes.
L’élection d’une ancienne ministre française, juive d’origine marocaine, d’une compétence irréprochable et fille d’un conseiller très respecté du roi du Maroc, à la direction générale de l’UNESCO, face à plusieurs candidats arabes, ridiculise la décision concomitante des Etats-Unis et d’Israël de se retirer de cette institution internationale, sous prétexte de son opposition à la politique de l’actuel gouvernement d’Israël et de sa reconnaissance d’Hébron comme partie du patrimoine mondial de l’humanité.
Comme si Israël se réduisait à la politique folle de son actuel gouvernement. Comme si Hébron n’était pas, évidemment, en Palestine et un site majeur de l’histoire de l’humanité, pour les Juifs, les Chrétiens et les Musulmans.
Cette confusion des sentiments montre que seuls ceux qui ne connaissent rien à l’Histoire ne comprennent pas que judaïsme et islam sont fondamentalement mêlés ; que l’un et l’autre dialoguent et se nourrissent de leurs philosophies depuis leur rencontre en Arabie, au temps même du prophète Mahomet. En continuant par les formidables échanges à Cordoue, de philosophes musulmans et juifs, à qui on doit la redécouverte de la pensée grecque, dont l’Europe chrétienne s’est ensuite emparée ; rien n’est plus important en particulier que le dialogue entre Ibn Rushd et Maimonide pour comprendre aujourd’hui. Cette rencontre a continué au cours des siècles ; et il faut être bien ignorant, ou vouloir haïr, pour ne pas reconnaitre les beautés et la profondeur de ces échanges judéo musulmans, malgré toutes les dérives et tous les fanatismes.
Et aujourd’hui, le procès de la famille Merah nous rappelle où ils peuvent conduire.
Judaïsme et Islam ont besoin l’un de l’autre :
Aujourd’hui, personne n’a plus intérêt à l’existence d’un Etat palestinien, libre et prospère, que l’Etat d’Israël ; à long terme, c’est même la condition de sa survie : que deviendrait l’Etat hébreu si les Palestiniens renonçaient à leur rêve d’un Etat, pour demander la fusion des territoires occupés avec l’Etat d’Israël, avec des droits égaux pour tous les citoyens de cet Etat ?
De même, personne n’a plus intérêt que les communautés juives d’Europe et d’Amérique de se souvenir de leurs propres exils et de recevoir dignement, pour les intégrer, ceux qui viennent, contraints, provisoirement ou définitivement, des terres d’Islam pour réaliser leurs espérances en Europe et vivre en démocratie, donc en laïcité.
L’occident juif et grec est à l’origine de l’idée monothéiste, et avec elle des idées de liberté et de démocratie. Les rabbins appelaient « dieu » ce que les philosophes appelaient le « premier moteur », concepts qui donnèrent ensuite naissance au christianisme, puis à notre modernité, et aux Lumières.
Judaïsme, Christianisme et Islam, qu’ils le veuillent ou non, ont donc un destin lié ; leur dialogue est la condition de la prospérité de l’Occident et avec eux de la liberté et de la démocratie. Leurs divisions creuseront la tombe de nos civilisations, face à celles d’Asie, qui surgissent aux premiers rangs du monde.
Bien des gens le comprennent. Bien des dialogues commencent. Que les institutions internationales donnent l’exemple. Que les Eglises suivent. Que chacun de nous, à son niveau, fasse l’effort, sans aucune concession aux extrémismes ou aux fondamentalismes, de comprendre la pensée de l’autre, de s’en nourrir, de s’en émerveiller et d’accueillir, avec humilité, jubilation et empathie, les diverses tentatives pour trouver une des innombrables clés du Royaume.