En cette période de fêtes, où vont se multiplier les conversations en famille et entre amis, le moment est propice pour poser  les fondements de projets  d’avenir. Chacun, à un moment ou un autre de cette quinzaine, posera le bilan de l’année écoulée, prendra des engagements et fera la liste de ses projets pour l’année à venir. Chacun,  pour en décider, se fondera sur une certaine conception de son identité, réelle et rêvée ; sur ce qu’il croit l’essentiel à défendre et à conquérir : il faut savoir qui on est et qui on veut être, pour choisir qui on souhaite rester ou devenir ; et comment y parvenir.
Il en va  de même pour  la communauté nationale : avant même de commencer à réfléchir aux choix que chacun devra faire au moment des prochaines échéances électorales, il  faudrait oser expliciter l’idée qu’on se fait de la France, des valeurs qu’elle doit défendre, et de ce qu’elle doit devenir.
Aujourd’hui, quatre conceptions de notre pays s’opposent, définies chacune par ce qui, aux yeux de ceux qui la défendent, constituent l’identité du pays.  Ces quatre conceptions, rarement explicitées, constituent en fait les soubassements de toutes les positions politiques possibles.  D’elles découlent tous les projets politiques imaginables.
Pour certains, la France  est d’abord définie par son territoire. C’est lui qu’il faut défendre et mettre en valeur.  Pour ceux qui pensent ainsi, rien ne vaut plus que les frontières ; rien n’est plus important que ceux qui sont nés sur ce territoire, qui en sont seuls propriétaires. La politique se réduit donc à sa mise en valeur, et à sa défense.
Pour d’autres,  la France est définie par une langue et une culture ; ce sont elles qu’il faut défendre et promouvoir avant tout. Et pour cela, la priorité du politique doit aller à l’éducation, à la culture, à la défense de l’usage du Français, à sa promotion dans le monde. Tout étranger est donc bienvenu à condition qu’il apprenne et parle parfaitement notre langue et qu’il accepte notre mode de vie ; il faut en particulier attirer les meilleurs créateurs, les meilleurs étudiants.
Pour d’autres encore, la France est définie par des valeurs, qu’il faut défendre à tout prix, en France et ailleurs : la liberté, l’égalité, la fraternité, les droits de l’homme. Pour ceux-là, le plus important est de construire et de défendre un Etat de droit et un système économique et social conformes à ces valeurs, de les exporter, de construire une Europe et  un monde conforme à ces idéaux.
Pour d’autres encore, la France n’est plus définie que comme un simple lieu de vie,  où chacun doit se sentir heureux et avoir des perspectives personnelles ; et chacun doit se sentir  libre d’en partir s’il n’en obtient pas ce qu’il en espère.  Pour ceux-là, la France n’est qu’un hôtel parmi d’autres, avec lequel aucun client, aucun employé, n’a  de lien particulier ; et elle doit donc d’abord offrir, si elle veut retenir sa jeunesse, un bon système de santé, de sécurité et des emplois.
Chacune de ces façons de penser la France est apparue successivement,  dans cet ordre, à diverses étapes de notre Histoire ; chacune se nourrit de la précédente ; elles sont de plus en plus virtuelles, de plus en plus abstraites, de moins en moins assumées, de moins en moins discutés : on peut mourir pour un territoire, une culture ou des valeurs. Qui mourrait pour un hôtel ?
On ne peut espérer défendre également ces quatre conceptions.
La rareté des ressources force, plus que jamais, à des choix. A chacun de nous  d’oser assumer ce que nous rêvons pour la France, avant de choisir son avenir.