‎L’histoire politique française a retenu la réplique  cinglante de Valery Giscard d’Estaing a François Mitterrand lors de leur débat présidentiel de 1974 :  » Vous n’avez pas le monopole du coeur ».  Cette phrase, aussi contestable soit-elle, joua un rôle important dans son élection.
Il faudrait aujourd’hui détourner cette apostrophe, et la renvoyer à ceux qui, aux deux extrêmes de l’échiquier politique, dans toutes les démocraties, prétendent parler au nom du peuple, en  déniant aux autres cette même légitimité.
Non,  ceux qu’on nomme à tort « les populistes » n’ont pas le monopole du peuple. Les démocrates ne doivent pas laisser  s’installer l’idée que, eux ne parlent qu’au nom d’élites autoproclamées et que ces « populistes » parlent  au nom de tous les  citoyens ordinaires.
Pour commencer, il faudrait cesser d’utiliser d’une façon méprisante le qualificatif de « populisme » : il n’y a aucune honte à parler au nom du peuple ; c’est même le fondement de la démocratie. En effet, si  le « populisme » désigne l’idéologie de ceux qui  se préoccupent des besoins réels du peuple,  pour le représenter au mieux, alors, tout démocrate est « populiste ». Et critiquer le populisme,  revient à donner du crédit à ceux qui soutiennent  que seuls les partis extrêmes, de droite comme de gauche,  représentent légitimement le peuple. Et c’est préparer leurs  victoires : dans les élections à venir,  ceux qui s’approprieront le peuple gagneront, et   ceux qui se seront laissés acculer  à paraitre parler au nom d’élites autoproclamées perdront.
Et, pour désigner ces gens-là, il faut utiliser un qualificatif plus exact de la posture de ceux qu’il désigne : isolationnisme.
Car l’opposition réelle n’est pas entre le peuple et les élites. Elle est entre ceux qui veulent  que la nation s’isole   du monde et ceux qui veulent l’aider à  y réussir.
Donc, il ne faut pas laisser  aux isolationnistes, nommés à tort « populistes »,  le monopole du peuple.
Pour avoir dénoncé depuis plus de 25 ans une mondialisation du marché qui ne serait pas accompagnée d’une mondialisation de la démocratie, je sais ce qu’une mondialisation du seul argent  à de ravageuse. Elle privé le peuple d’une réelle influence sur leur avenir. Je sais aussi ce qu’a de terriblement destructeur une ouverture non maitrisée à l’argent et aux gens venus d’ailleurs.  Mais la réponse n’est pas l’isolationnisme.
Fermer les frontières ne protégera pas mieux du terrorisme (seule la coopération internationale le permet) , ne créera pas plus d’emplois (les autres en feront autant et on se trouvera  tous en crise),  ne protégera pas l’identité nationale, (  qui n’est protégée que par l’éducation, à tous les niveaux dans la société) ,  ne créera pas de  la croissance, (car cela  privera le pays des marchés des investissements et  des innovations venus d’ailleurs ) et  enfin, cela ne donnera pas plus de pouvoir au peuple ( car cela conduira inévitablement à un gouvernement autoritaire, pour contrôler la fermeture ). Plus généralement : fermer les frontières c’est se condamner à vivre dans un monde où les autres en feront autant.  Ce qui conduira au pire, pour tous.
Il faut donc, au nom du peuple, combattre l’isolationnisme,  en se préparant à etre plus fort dans un monde ouvert et passionnant. Et pour cela, il faut une démocratie vivante, exigeante, intransigeante contre la corruption, les passe-droits, les abus de pouvoir, les injustices, les sectarismes, les racismes, les intolérances, les violences de toutes sortes, qui humilient le peuple, et l’isole de lui-même. Sans etre évidement béatement plus ouvert aux autres que ceux-ci  ne le sont à nous.
C’est dans ce combat permanent que la liberté et l’abondance l’emporteront sur la dictature et la régression.