L’Union européenne n’a jamais avancé que lorsqu’elle pouvait démontrer qu’elle était capable de résoudre, en les mettant en commun, des problèmes pouvant dégénérer en conflit entre pays membres : ce fut successivement le cas du charbon, de l’acier, du commerce et de la monnaie. Aujourd’hui, l’Union doit comprendre que si elle ne met pas en commun la gestion de l’immigration, elle peut disparataire dans une guerre des migrants.

Il y a aujourd’hui en Europe 35 millions d’étrangers légaux soit 6% de la population de l’Union ; Une moitié est ressortissante d’un autre état de l’Union et une autre moitié vient du reste de l’Europe et du reste du monde. Leur nombre augmente de 500.000 par an, légaux ou non. Au total, il y a en proportion plus d’immigrants en Europe qu’aux Etats-Unis, mais moins y rentrent.

La libre circulation des personnes, à l’intérieur de l’Union, qui est devenue la règle, entraine celles des étrangers qui y ont acquis droit de séjour. Le refus des étrangers dans certains pays entrainera donc, entraine déjà, non seulement le refus des étrangers, mais aussi le refus des autres Européens, ressentis comme des étrangers, ou au moins comme trop laxistes dans leur gestion des étrangers ou dans leur politiques de naturalisation.

Et si chacun veut conserver sa politique de l’immigration, il faudra remettre en cause la libre circulation des personnes et des biens et donc la totalité de l’acquis communautaire : le marché unique et la monnaie unique ne pourront survivre à long terme sans une politique commune de l’immigration.

En théorie, il existe déjà  une  politique commune des visas et du regroupement familial ; il existe une « carte bleue », qui fait office de permis de séjour pour les personnes hautement qualifiées, un Fonds européen pour les réfugiés, un  Fonds européen pour l’intégration des ressortissants des pays tiers ; et une agence, Frontex, aide certains pays de l’Union en matière de gestion des frontières et organise des  vols communs de rapatriement d’immigrés illégaux. Mais cette soi-disant politique commune est illusoire : elle prévoit de très longues périodes transitoires et d’innombrables possibilités de dérogation et elle est en général alignée sur le moins-disant législatif.

Il faut aller beaucoup plus loin et unifier le contrôle aux frontières extérieures, le régime d’octroi des visas de longue durée, les conditions légales de séjour, la définition du droit d’asile, les politiques d’intégration, les politiques de régularisation et les règles d’acquisition de la nationalité. L’Union doit définir des contingents d’étrangers à accueillir, mettre en œuvre une politique d’attraction des talents,  définir des partenariats avec les pays d’origine et de transit et Frontex doit devenir  une véritable police européenne des frontières

A terme, évidement, on verra surgir ce que redoute par-dessus tout les nationalistes : un passeport européen indépendant de celui de chacun des pays membres.