Le  rang de la France dans le nouveau classement par l’OCDE du niveau scolaire des jeunes de 15 ans est plus   catastrophique que jamais. Ce classement, triennal, résultat d’une très lourde enquête, privilégie chaque fois un domaine, lettres ou mathématiques. Il y a trois ans ce fut les lettres ; la France y était 22ème sur 65, reculant de 5 places en 6 ans.

Cette année,  ce sont les mathématiques. Et la France y recule encore de quelques places. Et pire encore, elle est un des derniers pays, sinon le dernier,  dans le dernier décile, c’est à dire que nos  plus mauvais en mathématiques,  issus des milieux les plus défavorisés,  sont les plus mauvais des pays développés.

Certes, on peut se vanter d’avoir encore une école mathématique d’exception, avec plus de médailles Field (équivalent du Nobel  pour les mathématiques) qu’aucun autre pays, à égalité avec  les États-Unis ; mais nous devons constater un recul  du niveau moyen d’une classe d’âge et admettre que, contrairement à ce que l’on a cru longtemps, les matières scientifiques ne permettent pas mieux que les matières littéraires de combattre l’exclusion. Sans doute parce que l’accession aux connaissances mathématiques suppose  une capacité d’abstraction qui va avec un environnement familial prédisposé à aider l’enfant, dès le plus jeune âge, à l’acquérir.

Nous sommes de plus un pays de rente: l’argent va à l’argent, le  savoir va au savoir. Les enfants des familles riches le restent. Les enfants de professeurs ou d’ingénieurs ont plus de chances qu’aucun autre d’obtenir un diplôme d’enseignement supérieur. Et, en l’absence de croissance, les places qu’ils occupent   ne sont plus disponibles pour les enfants issus d’autres milieux sociaux. En particulier pour ceux qui n’ont pas la chance d’appartenir à  un milieu familial attentionné  et disposant d’un logement permettant de s’isoler pour étudier.

Si cela ne change pas, ce sont des millions de talents qu’on va perdre, et qui partiront, frustrés, vers d’autres pays ou dans la clandestinité.  La France y perdra son âme. Et son avenir.

Comme toujours, un problème complexe n’a pas une solution unique. Il faudrait  employer beaucoup de moyens à la fois pour y répondre. Les cinq principaux sont les suivants:

1. Améliorer massivement les logements des milieux défavorisés, comme a commencé à le faire l’ANRU,  et développer les internats de proximité pour tous les enfants des collèges, et pas seulement pour les meilleurs  ni pour les plus défavorisés.

2. Accorder vraiment plus de moyens aux collèges des ZEP, en particulier  en n’y envoyant plus d’enseignants débutants et en leur faisant bénéficier en priorité des nouvelles formes d’enseignement numérique.

3. Orienter les jeunes des milieux défavorisés dès la sixième vers les bacs généralistes en établissant avec eux des projets de vie,    et  en cessant de leur faire croire que le bac professionnel est leur meilleur  horizon.

4. Revaloriser les métiers d’ingénieurs, qui sont au cœur de l’avenir économique d’un pays et qui ne devraient plus être moins bien rémunérés que ceux du commerce  et de la finance. Et pour cela, revaloriser en priorité  les métiers de professeurs de mathématiques et de science physique, dont dépend la formation des futurs ingénieurs.

5. Enfin, faire comprendre  à tous qu’il n’y a rien de plus poétique, de plus élégant, de plus harmonieux  que les mathématiques, porte d’entrée au monde du  rêve et de la création.

La France, pays de Descartes, peut encore gagner cette bataille.

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