L’école est le lieu où une société transmet ses valeurs ; et donc, d’abord, le lieu où celles-ci se reflètent. Le succès ou l’échec de l’école, c’est donc d’abord celui des valeurs qu’une génération veut transmettre aux suivantes.
Les valeurs françaises sont celles d’une société terrienne, d’origine agricole, où l’accumulation est centralisée, autour d’un Etat auquel chacun est relié en ligne droite et où l’excellence passe par la seule raison. Cela conduit à mettre l’accent sur la sélection d’une élite très particulière, une élite de la raison, essentiellement héréditaire, pyramidale, accumulant des richesses autour d’un centre, privilégiant l’esprit de géométrie, art individualiste par excellence, et sélectionnée par la compétition dans des grandes écoles, évidemment parisiennes, dans une relation directe du maitre avec chaque élève, comme du pouvoir avec chaque citoyen.
Ce système échoue aujourd’hui parce qu’il ne valorise pas les détours et les labyrinthes ; parce qu’il exclue l’intelligence de l’intuition ; parce qu’il s’adresse à un grand nombre très diversifié, avec des méthodes pensées pour de petits groupes homogènes et socialement privilégiés. Un système qui ne fait pas confiance, qui ne met pas en confiance , qui ne pousse pas à comprendre que chacun a intérêt au succès des autres, qui méprise tout ce qui n’est pas le travail intellectuel, qui ne valorise pas la créativité, l’imagination, l’erreur, la prise de risque.
Or, le monde d’aujourd’hui a besoin, d’empathie, d’expérience, de coopération de réseaux, de tribus. Il a besoin que les nouveaux arrivants connaissent les univers du mouvement, du changement, du vivant, de l’intuition, du collectif. D’où l’échec de notre système scolaire qui, avec ses méthodes inadaptées, conduit 15% des enfants à sortir du primaire sans savoir lire et écrire et 130.000 à quitter l’enseignement obligatoire sans diplôme. Et bien d’autres impasses
Tout doit changer. Il faut passer à une éducation sur mesure, mettant chacun en situation de découvrir ce en quoi il est le meilleur et comment il peut avoir intérêt, pour réussir, à aider les autres à s’épanouir.
Pour y parvenir, il ne suffira pas de créer quelques internats d’excellence, qui ne feront qu’élargir homéopathiquement le champ d’une élite anachronique, mais il faudra changer de vision du monde, privilégier le collectif, la diversité, l’intuition, la créativité. Et pour cela, d’abord, former les maitres à un monde nouveau. Et surtout , en amont, changer le regard des parents sur leurs enfants : ils ne doivent plus souhaiter en faire les meilleurs dans les disciplines les plus recherchées à leur époque ; ils ne doivent plus penser que la réussite, demain, sera à l’image de celle dont ils rêvaient dans leur jeunesse. Ils doivent admettre qu’elle passera d’abord par le libre choix de modèles de réussite, individuel ou collectif, économique ou social, politique ou associatif, qui restent à imaginer avec les élèves eux-mêmes ; et donc par l’excellence dans des disciplines sans cesse renouvelées , assemblages sur mesure de savoirs multiples.
Tel est le saut le plus difficile qu’une génération doit faire si elle veut vraiment être utile aux suivantes.