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Puisque le calendrier nous y invite, risquons-nous à des pronostics pour les douze mois à venir.

A priori, 2022 devrait être une année très difficile. En le sachant, en l’anticipant, on peut éviter qu’elle le soit.

Il est assez aisé d’établir un scenario du pire : une pandémie qui échappe aux vaccins, un effondrement des marchés financiers, des foyers de guerre jusqu’aux frontières de l’Europe, de grands pays comme l’Ethiopie qui se disloquent, des attentats, des mouvements extrémistes contradictoires, réclamant les uns qu’on efface toute trace  des valeurs  passées de l’Occident dans la  mémoire du monde, et les autres au contraire  qu’on  y refuse toute influence  étrangère. Tout cela est possible. Tout cela aura lieu.

Face à cela, le  principal risque pour cette année, partout dans le monde, est une perte de contrôle des gouvernements, des entreprises, de chacun de nous, et plus généralement de l’humanité, sur le cours des choses. Avec des conséquences évidemment terrifiantes.

En France, on peut craindre l’élection d’un ou d’une président(e) qui se révèlerait sans pouvoir, sans majorité, incapable de tenir les innombrables et inévitables promesses électorales. Un pays perdu face à une Allemagne de nouveau sûre d’elle-même, une Italie en plein renouveau et un monde en pleine recomposition. Ce serait alors encore une année de désillusion et de colère, où  le pays se perdrait de plus en plus dans des disputes sur son identité, ce qui a toujours été, dans l’Histoire des peuples, le signe annonciateur du déclin.

En Europe, on peut craindre de voir une Union de plus en plus dépendante des Etats-Unis pour sa défense, de la Russie pour ses importations et de la Chine pour ses exportations, avoir à affronter une éventuelle agression de la Russie en Ukraine, de la Turquie dans les Balkans, une vague  migratoire venue d’Afrique, une écrasante domination technologique, financière et juridique américaine et l’entrée en force de la Chine sur la scène géopolitique. Sans pour autant avoir les moyens d’y répondre, ballotée par des intérêts nationaux contradictoires.

Plus généralement, on pourrait craindre que le monde soit impuissant face à une pandémie dont on n’aurait pas réussi à contrôler les mille et une ruses, face au dérèglement climatique, au dérapage  de l’inflation, à la violence terroriste, aux vagues de migrations, à la cybercriminalité, et à bien d’autres forces se jouant des frontières, pour attaquer nos civilisations, l’espèce humaine et la vie.

Autrement dit, on court le risque qu’il n’y ait plus, en France, en Europe et dans le monde, de pilote dans l’avion, ni même de cabine de pilotage. Et même si c’est seulement le volant qui ne répond plus, c’est la condamnation à mort.

A l’inverse, 2022 peut être l’occasion d’une prise de conscience, d’une reprise en main, d’une souveraineté ouverte. En France, avec un peu de lucidité et de calme, la campagne électorale peut être l’occasion d’une véritable pédagogie sur les grands enjeux du pays et sur les réponses qu’il convient d’y apporter : l’enfance, l’éducation, la protection des minorités,  la justice sociale, la laïcité, la sécurité, la tranquillité, la défense, la dette publique, le renouveau industriel, la santé, l’alimentation, le climat, la protection de la nature ; dans la perspective d’assurer notre maitrise et notre souveraineté culturelle, économique, financière et géopolitique. En comprenant que la souveraineté de la France est impossible sans une souveraineté ouverte des Européens rassemblés.  Cela peut être aussi, pour l’Union Européenne, partiellement sous présidence française, l’occasion du lancement d’un vrai projet de souveraineté dans tous les secteurs de l’économie de la vie (santé, éducation, alimentation, énergies renouvelables, mobilité durable, agriculture, digital, défense et sécurité). Enfin, à l’échelle mondiale, on peut peut-être espérer que les gouvernements les plus égoïstes admettront  enfin que  chacun a intérêt à être altruiste, et que, en particulier, les pandémies ne seront éradiquées que si chaque être humain est aussi bien protégé que les plus riches d’entre eux, et que, de même, chacun a intérêt à ce que l’autre  ait les moyens de réduire ses émissions de gaz à effet de serre.

On peut enfin espérer qu’une alliance de chercheurs,  d’entrepreneurs,  d’animateurs sociaux et d’artistes, tous acteurs potentiellement positifs du monde, pourra faire comprendre qu’il existe des solutions à tout, y compris à ce qu’on n’a pas su ou voulu régler depuis des siècles ; et que les progrès technologiques mis au service de l’altruisme peuvent encore sauver l’espèce humaine et nos civilisations. On peut enfin espérer que des médias intègres et exigeants en soit les hérauts.

Il n’est donc pas trop tard pour se rappeler cette évidence, que martèlent depuis des millénaires les penseurs de toutes les cultures, des Mazdéens aux Egyptiens, des  Hébreux aux Grecs,  des Chrétiens aux Musulmans, des Chinois aux Anglosaxons, des griots  africains aux  gurus de la Silicon Valley : La recette de l’impuissance est le chacun pour soi. La condition de la souveraineté est la conjonction des  talents, la résilience et la tolérance.

j@attali.com