LE dernier livre de Jacques Attali, malgré son titre par trop sensationnaliste, « Tous ruinés dans dix ans? », a un vrai mérite. Il pose, en pleine crise de l’euro, la bonne question au bon moment: celle de la dette des Etats.

« Jamais, en effet, souligne Attali, en introduction, sauf en période de guerre totale, la dette publique des pays les plus puissants du monde n’a été aussi élevée. Jamais les dangers qu’elle fait peser sur leur niveau de vie et leur système politique n’ont été aussi menaçants. »

Pour établir ce constat, l’auteur n’est pas avare de données, de courbes et de diagrammes, mais trois chiffres suffisent pour évaluer la situation financière de la France, qui n’est pourtant pas la plus catastrophique de la zone euro: sa dette représentera, à la fin 2010, pas moins de 83 % du PIB (produit intérieur brut) et 535 % de ses revenus fiscaux. Et, cette année le Trésor public français de¬viendra, avec 454 milliards d’euros, le premier emprunteur d’Europe, devançant l’Italie (393 milliards), l’Allemagne (386 milliards) et le Royaume-Uni (279 milliards).

Pour l’heure, en raison de l’actuelle faiblesse des taux d’intérêt, le « service » (coût) de cette dette ne représente que 5 % du budget de l’Etat. Mais il peut s’envoler à la moindre hausse des taux. Surtout dans un Etat où les recettes fiscales et sociales atteignent 45 % du PIB et les dépenses 55 % ! Comme le note cruellement Attali, « aucun ménage, aucune entreprise ne survivraient s’ils devaient négocier ainsi chaque année (avec leurs banquiers) des emprunts d’un montant égal à quinze mois de leurs revenus et à vingt mois de leurs dépenses ».

Comment les grands pays industrialisés, et la France en particulier, en sont-ils arrivés là ? En premier lieu, à la suite de plusieurs décennies de gestion laxiste des finances publiques : «Depuis 1980, la dette publique française a été multipliée par cinq. Elle est passée des deux cinquièmes aux quatre cinquièmes du PIB, et à plus de cinq fois les revenus fiscaux. » Ensuite, parce que les Etats, pour faire face à la crise bancaire de 2008, née de la folie de la déréglementation et des subprimes aux Etats-Unis, ont dû apporter à leurs établissements financiers d’énormes ressources budgétaires. Des milliards de dollars et d’euros qu’ils n’avaient pas en caisse, puisqu’ils étaient déjà en déficit, et qu’ils ont dû emprunter! Tel le sapeur Camember, qui, pour boucher un trou, en creusait un autre à côté.

La conclusion s’impose d’elle-même: « Si un coup d’arrêt n’est pas donné en France, dès 2011, à la montée de la dette publique, le prochain président de la Ré-publique ne pourra rien faire d’autre, pendant tout son mandat, que mener une politique d’austérité ou déclarer un moratoire sur la dette. » Un programme électoral aussi enthousiasmant que mobilisateur pour Nicolas, Martine, Ségolène, François, Dominique et quelques autres.