Le tour du monde en 80 pays

J’habite plus Roissy que Paris.

« Mes premiers voyages ont eu lieu, quand j’étais enfant. Nous habitions en Algérie, alors Française, et chaque année, nous venions en métropole passer l’été. C’était merveilleux, d’abord la traversée en bateau, puis les grands hôtels des villes de cure où nous descendions, à l’instar de tous les coloniaux de l’époque, pour profiter un peu de la fraîcheur des villes d’eaux comme Vittel, La Bourboule ou Luchon. Par la suite, quand j’étais jeune, j’ai beaucoup circulé avec mes parents et puis tout est allé assez vite et je n’ai jamais cessé de parcourir le monde. Par exemple, quand je suis sorti de l’Ena en 1970, j’ai été nommé immédiatement consultant à l’Unesco, et j’ai commencé mes premiers vrais grands voyages en Iran et en Afghanistan. C’était au temps du shah Reza Pahlavi, et j’ai fait sept fois des allers et retours entre Téhéran et Kaboul. L’Afghanistan m’a énormément marqué, notamment les Bouddhas de Bâmiyân, ces deux statues monumentales au nord-ouest de Kaboul qui ont été détruites par les talibans. Ensuite, j’ai été l’un des premiers Occidentaux à entrer en République populaire de Chine, en 1972, en plein milieu de la révolution culturelle. Les Chinois, pour la plupart, n’avaient jamais vu d’étrangers depuis la guerre de 1945 contre le Japon et la révolution culturelle. J’y étais allé avec mes étudiants et beaucoup de gens nous suivaient comme s’ils venaient d’apercevoir des créatures débarquées de Mars. C’était très étrange, ce pays rassemblait des hordes de cyclistes en blouse bleue, une vision totalement surréelle. Ce fut mon premier contact avec la Chine, depuis j’y suis allé plus de cinquante fois et bien évidemment tout a beaucoup changé.

Avec PlaNet Finance, que je préside, nous avons des bureaux ou des programmes dans quatre-vingts pays à travers le monde. L’ONG conseille et finance le développement de la microfinance et cela me touche infiniment, car dans tous les endroits où je vais, je vois que l’action que nous menons transforme la vie des gens. J’ai été passionné récemment, lors d’un déplacement au Ghana, de constater que la vie des femmes a changé depuis que nous les avons aidées à mieux produire… Et pour ce, je n’arrête pas de prendre l’avion, j’étais au Sénégal, hier ; je serais en Suisse demain, à Athènes la semaine suivante, puis en Australie, et après en Éthiopie, et tout cela en moins de trois semaines. En fait, je voyage utile autour du globe pour ouvrir des bureaux de PlaNet Finance, mais c’est aussi, quand cela est possible, pour découvrir les lieux mystiques. Je suis très sensible au spirituel, aux endroits forts et chargés, les temples du Myanmar, le Bhoutan, Varanasi en Inde, l’île de Pâques, Jérusalem, même Vézelay qui reste un lieu magique.

Lorsque je me déplace, tout se nourrit, mon travail c’est aussi d’être écrivain, et quand je suis soi-disant en vacances je me ressource avec les paysages qui serviront à ma prochaine écriture… Je ne suis pas encore allé au Vietnam, j’ai adoré le Laos, un pays magnifique, j’ai adoré aussi Angkor au Cambodge, et énormément l’Inde, car si je devais choisir de m’établir ailleurs ce serait sur ce territoire ou la diversité est si immense. L’endroit où je préfère être, c’est Paris, j’adore Paris c’est le meilleur endroit pour habiter, c’est serein, tranquille, il y a un mélange extrêmement équilibré de culture, de sécurité de vie, de qualité de vie, et aussi une grande une émulation intellectuelle, même si je m’inquiète de sa perte de dynamisme en particulier architectural. Mais je n’y suis pas beaucoup, j’habite plus Roissy que Paris. »

Propos recueillis par Jean-Emmanuel Richomme