A lire les sondages, qui s’accumulent sans plus se contredire, l’élection présidentielle semble jouée : Francois Hollande sera élu. Qu’est ce qui pourrait encore faire mentir ce pronostic ?

D’abord, les résultats du premier tour pourraient ne pas ressembler du tout à ce que les sondages annoncent aujourd’hui. Il est fort possible en effet que Marine Le Pen ou Jean-Luc Mélenchon aient plus de voix que n’indiquent les dernières enquêtes. Il est moins vraisemblable en tout cas qu’ils soient si faux qu’ils remettent en cause le rapport de forces qui se dessine, à une semaine du premier tour, entre la droite et la gauche, installé, en faveur de la gauche, à des niveaux plus élevés que jamais, plus même qu’en 1981.

Si ce rapport de force était différent, si la gauche n’était pas à plus de 44% au premier tour, cela jetterait un discrédit absolu sur les sondages et rendrait caduc tout ce qui suit. Si, au contraire, les données des sondages d’aujourd’hui correspondent à la réalité du moment, la victoire de Francois Hollande est certaine, à moins que ces rapports de force puissent être modifiés d’ici le six mai ; est ce possible ?

Nicolas Sarkozy semble le croire, et sa vision de la France l’amène à penser que la meilleure façon d’y parvenir est de reproduire la vieille stratégie de la droite au pouvoir, si souvent efficace : faire peur avec l’inconnu, se poser en protecteur du pays, face à ceux qui pourraient mettre en cause des acquis.

Pour l’instant, cet argument ne semble pas suffire : à supposer que les Français pensent que le Président sortant soit plus protecteur en période de crise, il faudrait bien d’autres crises, beaucoup plus profondes, pour que les rapports de force se renversent. Mais quelles crises ?

Un approfondissement de la crise financière ? Une attaque d’Israël sur l’Iran ? Des manifestations dérapant dans la violence entre les deux tours, en particulier le premier mai ? Difficile de croire qu’aucun de ces scenarii, parfaitement plausibles, conduisent assez d’électeurs à renoncer à leur vote et à penser qu’il ne faut pas changer d’équipe. Même si ces événements sont vraiment cataclysmiques, et quels que soient ses mérites, le Président sortant n’a pas réussi à convaincre une large majorité de Français qu’il était irremplaçable, et que Francois Hollande ferait nécessairement plus mal que lui. Il n’est plus vu comme protecteur, alors qu’il a joué toute sa campagne là-dessus. Et en cela, il a déjà perdu.

Quoi d’autre encore pourrait alors inverser les tendances actuelles ? Des diffamations qui ne pourraient être sérieusement démenties à temps ? Difficilement crédible, avec un candidat aussi limpide que Francois Hollande.

Ultime chance pour la droite : une semaine sans événement. Si le Président sortant croyait vraiment en la vertu de son programme, il devrait en effet penser que le seul grain de sable efficace serait justement que la prochaine semaine ne soit traversée que par un lourd silence, comme un calme avant la tempête. Les Français pourraient alors réfléchir et comprendre, devrait-il penser, qu’ils ne doivent pas remettre en cause une politique qui, devrait-il soutenir, commence à sortir le pays de la crise.

En choisissant de tout jouer sur la peur, il révèle sa vison des Français : selon lui, ils ne sont pas rationnels et ne s’intéressent pas aux programmes des candidats. Seuls les faits diront s’il a tort.