Comme les gouvernements précédents (sauf celui, très ancien, de Pierre Mauroy en 1981), l’actuel considère qu’il ne peut prononcer le mot rigueur, ni le laisser prononcer par aucun membre de sa majorité. Il y voit l’aveu coupable d’un désir de faire participer tous les Français à l’effort de redressement national.

Il préfère croire, et faire croire, qu’il lui sera possible d’en exonérer les Français « moyens », et les classes « moyennes », sans oser définir ni ce qu’elles sont ni à quel niveau de revenu se termine cette moyenne. Les ministres et députés de la nouvelle majorité répètent donc ce mantra sur tous les tons et jurent, la main sur le coeur, que la baisse de TVA est déjà décidée et que la hausse de la CSG « n’est pas d’actualité », parce que ces deux impôts touchent tous les Français, quel que soit leur niveau de revenus.

Pour les mots, cela peut sembler sans importance. Que le gouvernement et la nouvelle majorité appellent cela « rigueur », « effort », ou tout simplement « désendettement », (ce qui me semble le mot le plus juste), peut apparaître comme une querelle dérisoire. Et il est vrai que ce qui compte, c’est ce qu’ils font. En réalité, des mots dépendent la nature de l’action. Et ne pas reconnaître qu’il faut réduire une dette faite par tous, c’est se condamner à ne pas comprendre l’action nécessaire.

Pour l’analyse, c’est déjà beaucoup moins acceptable. Nous avons tous vécu dans l’illusion. Voici venu le moment d’accepter la réalité. Il n’est pas possible de laisser croire que tous les Français n’ont pas profité de l’endettement de ces dernières années : depuis dix ans et pendant plusieurs mois par an, tous les Français ont bénéficié de services publics sans les payer. Ils ont tous envoyé leurs enfants à l’école à crédit ; ils ont tous été protégés par des policiers et des soldats payés à crédit ; ils ont tous reçu des allocations logement, des subventions diverses à crédit, c’est-à-dire sans que les impôts de personne ne les financent.

Pour l’action enfin, il est illusoire, et injuste de penser que l’on pourra se passer de demander à tous les Français, où qu’ils vivent, et à tous les étrangers qui vivent en France, de participer aux financements, passés et à venir, des services publics. La dette publique ne pourra pas se réduire sans réduire significativement les dépenses pour tous et sans augmenter significativement les impôts de tous. Et en particulier, puisqu’il faut appeler un chat un chat, il faudra élever les impôts sur les revenus de tous, et concentrer les allocations logement et autres prestations sociales sur ceux qui en ont le plus besoin. Il faudra en particulier, et le plus tot serait le mieux, augmenter tant la CSG que la TVA.

D’autant plus que, même si on peut le regretter, les plus riches, personnes privées ou entreprises, sont les plus mobiles, et donc les mieux placés pour partir si on prétend leur fait payer une part excessive du désendettement du pays : on perdra alors leur contribution à l’impôt et les emplois qu’ils animent et dirigent. Personne n’a rien à y gagner.

Appeler un chat un chat est une condition nécessaire pour ne pas le traiter comme un chien.