Pour l’instant, un peu partout dans le monde, on procrastine, on s’endette, on retarde autant qu’on peut l’effondrement économique et social qui découlera de cette pandémie. Mais en fait, comme toujours quand on n’agit pas lucidement face à une menace, quand on cache aux peuples l’immensité de la crise qui va arriver, on ne fait que se préparer à en faire payer le prix aux plus fragiles, aux plus pauvres.

Continuer comme ça, c’est aller tout droit à une révolution, dont les classe moyennes seront les moteurs avant d’être eux aussi, à la fin, avec les plus pauvres, les principales victimes.

Plus encore que les autres crises, celle d’aujourd’hui, d’un genre si particulier, pénalise les plus fragiles. Pour mille et une raisons évidentes :

La contamination, qui suppose la multiplication des contacts, concerne d’abord le peuple : il est plus facile de s’isoler quand on est riche que quand on est pauvre. Même si des gens riches sont touchés et en meurent, bien plus de gens pauvres sont victimes.

Dans la crise qui ne fait que commencer, partout en Occident, et en particulier en Europe, et en France, un soutien est apparemment accordé à tous, en particulier avec les mesures qui financent le chômage partiel. Mais, en fait, alors qu’on accorde des sommes immenses aux grandes entreprises, on en octroie beaucoup moins, et pour beaucoup moins longtemps, aux plus petites ; et moins encore aux indépendants. De plus, aucun soutien budgétaire ne pourra durablement compenser des pertes de revenus aussi massives, alors que des actionnaires viendront au secours des grands entreprises.

La Bourse ne s’est jamais aussi bien portée et augmente la valeur des patrimoines financiers et immobiliers, alors que vont diminuer les emplois et les salaires. S’aggravera la précarité de ceux qui ne sont protégés par aucun statut et qui dépendent, pour vivre, de leurs clients ou de leurs employeurs. Le chômage, la précarité, la perte du logement, la faim même, touchent ou guettent, en Europe, même, d’innombrables familles, dont la plupart ne sont pas encore conscientes de ces risques.

Enfin, le mode de vie de l’après crise favorisera les riches et rendra plus coûteux celui du peuple, qui forme la foule, et dont les riches aiment à se distinguer : les transports publics prendront plus de temps ; les voyages touristiques seront plus coûteux ; les plages publiques plus difficiles d’accès. La nourriture sera plus coûteuse.

Il est encore temps d’éviter une aggravation vertigineuse et planétaire de mille et une formes de précarité, de prolétarisation, de misère ; de ne pas laisser s’installer les colères et les désespoirs. En répartissant beaucoup plus également les aides. En relançant en priorité les secteurs utiles à la satisfaction des besoins des plus fragiles.

Le fera-t-on ? Là où l’Etat s’est montré incapable de penser, de prévoir, de décider, de faire ; là où il n’est plus qu’une juxtaposition aléatoire de bureaucraties obsédées par leur propre survie, on en est très loin.

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