Il serait trop facile – et trop convenu – de céder au désespoir. Je ne dresserai pas ici l’interminable litanie des mauvaises nouvelles qui, chaque jour, minent notre moral et saturent les titres de la presse mondiale, jusqu’à se fondre dans le bruit de fond de l’habitude. La planète brûle, l’humanité vacille, et nombreux sont ceux, notamment parmi les plus jeunes et les plus lucides, qui se résignent à l’effondrement, nourrissant une colère sourde à l’égard de leurs aînés, jugés coupables d’avoir, par inconscience ou égoïsme, creusé les fondations de la catastrophe.

Et pourtant, sans nier la gravité des périls, je voudrais rappeler ici une évidence trop souvent tue : la partie n’est pas terminée. Même menés deux buts à zéro à la mi-temps, nous pouvons encore renverser le match – d’autant plus que l’adversaire n’est autre que nous-mêmes.

Car, en contrepoint du désastre annoncé, s’élèvent des signes de renouveau. Des nouvelles encourageantes, discrètes, souvent ignorées, mais bien réelles. Elles composent une mosaïque d’espoir qu’il serait criminel de négliger.

Ainsi, au cours des six derniers mois, plusieurs avancées majeures se sont dessinées.

En matière d’énergie, la bascule s’accélère. En 2025, selon l’Agence internationale de l’énergie, près des deux tiers des investissements énergétiques mondiaux – soit 2,2 milliards sur 3,3 – ont été orientés vers les sources renouvelables, reléguant les énergies fossiles au second plan. Le Royaume-Uni et l’Union européenne ferment leurs dernières centrales à charbon et déploient massivement solaire et éolien. Dès 2027, toute nouvelle construction britannique devra être équipée de panneaux photovoltaïques. Plus de 340 villes européennes – Paris, Oslo, Milan, Londres – réinventent leur mobilité en supprimant les parkings, en piétonnisant leurs centres, en promouvant les transports doux. À Paris, la pollution automobile a chuté de 45 % depuis 1990.

Outre-Atlantique, un seuil symbolique a été franchi : en mars 2025, pour la première fois, plus de la moitié de l’électricité produite aux États-Unis provenait d’énergies renouvelables. En Chine, les émissions de CO₂ issues de la production électrique ont diminué pour la première fois, entre mars 2024 et mars 2025. En Inde, la croissance annuelle de la part des renouvelables est spectaculaire. En Corée du Sud, la production d’énergie fossile a reculé de 15 %. Le Royaume-Uni, déjà exemplaire avec une réduction de 54 % de ses émissions depuis 1990, poursuit résolument sa trajectoire vers la neutralité carbone à l’horizon 2050.

Dans les forêts aussi, des arbres repoussent. Au Guatemala, dans les hauts plateaux, Armando López Pocol plante chaque année entre 20 000 et 25 000 arbres, malgré les incendies et l’adversité ; son projet redonne vie aux écosystèmes, stimule l’écotourisme et contribue à l’émancipation des femmes autochtones. En Afrique centrale, le projet du Corridor vert Kivu-Kinshasa ambitionne de restaurer sur 2 400 km la plus vaste forêt tropicale après l’Amazonie. En République centrafricaine, une initiative soutenue par la FAO a permis de reconstituer 500 hectares de forêts communautaires, bénéficiant directement à plus de 4 600 personnes.

L’agriculture se régénère elle aussi : 15 % des exploitations mondiales adoptent désormais des pratiques régénératrices, parfois soutenues par les géants de l’agroalimentaire . La biodiversité retrouve ses droits : au Mozambique, le parc national de Gorongosa, autrefois ravagé par la guerre, voit réapparaître antilopes, lions et lycaons.

Sur le front diplomatique, les avancées ne sont pas négligeables. Lors de la COP16, en mars 2025, 140 pays se sont engagés à consacrer 20 milliards de dollars par an dès maintenant, et 200 milliards d’ici à 2030, pour protéger 30 % des écosystèmes terrestres et restaurer 30 % des habitats naturels. En juin 2025, un traité international visant à sanctuariser 30 % des océans a été adopté ; il est en passe de réunir les 60 ratifications nécessaires à son entrée en vigueur. De plus 37 pays soutiennent un moratoire – voire une interdiction totale – sur l’exploitation minière en haute mer. L Le Traité sur la biodiversité en haute mer devrait quant à lui entrer en vigueur début 2026. Enfin, les États membres de l’Organisation maritime internationale ont, pour la première fois, adopté un mécanisme de tarification du carbone destiné à amorcer la décarbonation du transport maritime à compter de 2028 : une avancée discrète mais décisive.

La technologie n’est pas en reste : grâce à l’intelligence artificielle et à des capteurs de nouvelle génération, il est désormais possible de détecter très rapidement les fuites d’eau dans les infrastructures les plus lointaines, réduisant considérablement les pertes. Ces mêmes technologies permettent de mesurer avec précision le carbone stocké dans les sols, ouvrant la voie à une agriculture plus respectueuse des équilibres naturels.

Dans un registre plus fondamental encore, les chercheurs du CEA ont réussi à maintenir du plasma pendant 22 minutes, améliorant de 25 % le précédent record ; un pas de plus vers la maîtrise de la fusion nucléaire, source d’énergie propre et quasi-infinie, la même que celle qui alimente les étoiles.

Bien sûr, tout cela demeure dérisoire face à l’ampleur des périls. Mais ce n’est pas rien.

Cela prouve que rien n’est encore joué. Et que tout comptera : la diplomatie, la science, la finance, l’intelligence collective et les gestes silencieux de chacun d’entre nous. Pour que l’avenir ne soit pas un deuil, mais un dessein.

Il ne faut pas désespérer.