Par la maladresse d’une ministre, la démagogie de quelques syndicats, le corporatisme de certains enseignants- chercheurs,  voilà qu’une fois de plus, de très nombreux  étudiants vont avoir une année gâchée.

Chacun s’accorde à reconnaitre qu’une réforme de l’enseignement supérieur   est nécessaire, pour renforcer l’autonomie des universités, et l’unité de leur gestion, sous l’autorité de présidents respectés, avec  des enseignants-chercheurs biens formés et mieux payés .  Chacun s’accorde aussi à dire que la réforme actuelle s’est effilochée au point de perdre tout son sens, provoquant  des  grèves et des manifestations interdisant les études, ruinant l’année d’une  partie des étudiants, sans qu’on sache vraiment combien d’universités sont  paralysées (un tiers ? la moitié ? et en particulier combien pratiquent le « printemps des chaises », vidant les salles de cours de leurs chaises, pour  que les cours ne puissent pas avoir lieu.

Mon propos n’est pas ici de désigner ceux  qui portent la responsabilité principale de ce gâchis, mais de comprendre comment et pourquoi, une fois de plus, les  victimes n’en  sont  que  les étudiants  des universités,   dont plus de la moitié abandonnent la scolarité avant la fin de la licence  et surtout ceux qui,  finançant leurs études par leur travail,  ont plus que les autres besoin  de diplômes  pour  réussir  leur vie . Alors qu’en sont  indemnes  les élèves des grandes écoles (pour l’essentiel enfants de professeurs ou d’ingénieurs) et  ceux des meilleures universités.

On aurait pu imaginer que,  devant ce désastre, le sauvetage de ces étudiants soit considéré  comme  une priorité nationale. Et qu’un débat  s’organise sur la meilleure  façon de  résoudre le dilemme entre des examens laxistes (pour tenir compte des lacunes dans les cours), et des examens injustes, (pour maintenir les règles).   Mais  rien ; personne n’en parle. Comme si la nation considérait comme  normal  un tel gaspillage de talents (au moins un  million d’étudiants seront touchés)  et   d’argent (25 milliards d’euros sont consacrés chaque année à l’enseignement supérieur).

Comme si la France considérait que l’université était d’abord un parking   pour  les jeunes, dont on fait  des étudiants,  et un garage pour  les diplômés, dont on fait  des professeurs.

Si persiste cette indifférence collective,  le  destin du pays  est scellé : ceux qui se forment dans les grandes écoles renforceront leurs privilèges ; trop peu d’entre eux voudront exercer  les métiers exigeants  dont dépend notre avenir : ingénieur, médecin, enseignant ou chercheur. La plupart iront, comme aujourdhui,   s’occuper de finance ou de distraction. Et beaucoup exerceront ces métiers à l’étranger, sans rendre à la nation ce que la génération précédente aura payé pour eux.

Il est urgent de considérer que rien n’est plus précieux que d’assurer à  toute la jeunesse la meilleure formation ;  de proclamer  qu’aucun étudiant ne peut  se permettre de perdre un an ;  d’oser dire que  la grève des cours, par les professeurs comme par les élèves,  est scandaleuse et suicidaire ;  que  la réforme de l’enseignement supérieur est vitale ; qu’une trêve s’impose, par un report  des  projets actuels, pour que reprennent au plus vite tous les cours.  Et qu’une autre réforme  doit etre  lancée ensuite,  mieux pensée, mieux négociée, dans un pays qui  aura enfin compris l’importance de sa jeunesse.  Toute sa jeunesse.