L’inauguration, le 28 avril 2009, par  la Reine des Pays-Bas,  du  chantier  d’un nouveau port, dit Maasvlakte II,  à Rotterdam est un événement considérable, structurant l’Europe pour des décennies. Ce port, construit dans l’embouchure du Rhin (Hollande-Allemagne) et de la Meuse (Hollande-Belgique/Wallonne-France),  complète  Maasvlakte I devenu insuffisant face à la croissance gigantesque du trafic de conteneurs  venant principalement de Shanghai et de Singapour. Il renforcera l’ensemble « port-Europe » composé de Zeebrugge, Anvers, Rotterdam, Amsterdam.  17 millions de d’EVP (Equivalent Vingt Pieds)   à l’embouchure du Rhin et de la Meuse pourront etre déchargés  de  transporteurs maritimes d’une capacité de 14.000 EVP. Puis,   les autoroutes n’y suffisant plus canaux, rivières et chemins de fer  seront transformés en arrière ports :   40%  des conteneurs circuleront vers l’arrière pays  par des  rivières (contre  moins de 20% aujourd’hui).

C’est un énorme projet : 2000 hectares, d’énormes bassins de réception ;   1000 hectares  pour  la distribution, les produits chimiques et de nouvelles industries.  Il faudra pour le construire  déplacer  365 millions de tonnes de sable.

C’est un projet économiquement stratégique : depuis le moyen âge,  de Bruges à Londres en passant par Venise, Anvers, Gènes et Amsterdam, les ports sont   la clé du développement ; et la bataille se joue aujourd’hui entre un nombre de plus en plus réduit de ports et, avec eux,  tout un ensemble d’industries, et un arrière pays. Avec la rareté de l’énergie, on va de plus en plus utiliser des bateaux,   de plus en plus énormes, restant le moins longtemps possible dans les ports.  Enfin, avec le réchauffement climatique, le passage par le pole va rendre la route par le Nord vers l’Asie beaucoup plus courte et donner une importance encore plus stratégique aux ports du Nord de l’Europe.

Le classement en est révélateur : Le plus grand port du monde,  depuis 2005,  est Shanghai, devant Singapour et  Rotterdam. Shanghai va le rester : avec des taux de croissance annuel de 20-30 %,  a été lancée  la construction d’un nouveau port  sur des îles inhabitées reliées au port actuel par un pont de plus de 33 km.  La fin des travaux est  prévue pour 2012.

Les principaux ports suivants sont   tous situés en Chine et en Asie. Le delta du Yangzi Jiang, au cœur duquel se trouve Shanghai, possède trois ports majeurs dont le total du trafic dépasse désormais le milliard de tonnes. En Europe, les plus grands ports, sont Rotterdam, Anvers, Hambourg, avec en plus, pour les containeurs, Valence, Algesiras, et Barcelone. Rotterdam est  le principal port européen et un des trois premiers  ports mondiaux   avec  plus de 600 millions  de tonnes de trafic.  30 km de quais y  assurent la majeure partie des importations et des exportations de l’Union Européenne;  et le projet énorme inauguré la semaine prochaine  est déjà considéré comme  insuffisant (Maasvlakte III est déjà prévu!).

Pendant ce temps, la France dort ; ses ports agonisent. La France avait pourtant tout, pour etre,  depuis mille ans,  le premier pays maritime du monde. Il n’en est rien : Marseille est 31eme port du monde en volume de marchandises échangées   alors que prés du tiers du commerce mondial, au moins pétrolier,  passe par la Méditerranée.  Marseille y est même  débordée par Barcelone, Algesiras et  Gènes.  Le Havre   est  le  45eme port du monde  pour le volume et 48ème pour les containeurs. Il est  le 5ème port européen  recevant 2,5 T EVP, soit le septième du nouveau port de Rotterdam !  Si on ne réagit pas vite ; si  on  ne sort pas des faux semblants actuels , où chacun protège des petits interets, si on n’ose pas bousculer  toutes les habitudes politiques,  tous les conservatismes syndicaux, tous les leurres actuels, si on ne fait pas du Havre et de Marseille des grandes causes nationales, en les intégrant l’un avec Paris et l’autre avec Lyon,  c’est toute  l’économie francaise qui cessera d’etre irriguée, et qui  retombera dans la torpeur. Qui comprendra cette urgence ?