Très peu de pays ont un potentiel aussi  énorme  que l’Iran : une civilisation quadrimillénaire,  une présence majeure dans tous les domaines de l’art et de la science ; un pays magnifique, par ses paysages  et ses monuments : qui n’a jamais vagabondé  dans les rues, les caravansérails   et les mosquées d’Ispahan ne sait pas ce qu’est la beauté  mystique ;  une population considérable  ( 70 millions) et  en forte croissance ; un niveau d’éducation très exceptionnel ; des réserves énormes d’énergie (quatrième producteur mondial de  pétrole brut,  138 milliards    de barils de  réserves de pétrole), les deuxièmes réserves mondiales de gaz ( soit  28.000 milliards de m3) et  les plus grandes mines d’uranium au Proche-Orient  représentant l’équivalent de 43 milliards de barils de pétrole ;  très peu de dette ( à peine 20% du PIB) et  des réserves de change considérables (40 milliards de dollars) ;  enfin,  une position géographique unique, entre la Turquie et l’Asie Centrale, entre la Russie et le monde indien, auquel l’Iran apportera un jour le gaz dont ce sous continent aura besoin.

Et  pourtant, malgré ces formidables atouts, le pays est en ruine : Plus de 20% des Iraniens et plus de 40% des Iraniennes sont  au  chômage ;  80% des  chômeurs sont des jeunes ; une société   ruinée par l’inflation (plus de 30%), qui  ne survit que par le pétrole (qui représente plus des deux tiers de ses recettes budgétaires et de ses exportations),  qui doit importer 40% de son essence, faute   de raffineries,  et   qui pourrait ne plus avoir de pétrole à exporter avant 2020.

Face à ces difficultés, cette société, aujourd’hui dominée par les religieux, les ruraux et les vieux,  a choisi, comme d’autres avant elle,  la fuite en avant, préparant ce que ces dirigeants nomment, en toute clarté,   « un monde sans Israël et sans  les États-Unis », rayant le premier de la carte par l’arme nucléaire et le second en refusant d’utiliser le dollar comme monnaie de paiement du pétrole.

Face à ce cauchemar, il  est normal que cette magnifique jeunesse iranienne se révolte. Qui va l’aider ? Personne,  probablement.   Jamais, même avant la Seconde guerre mondiale, personne n’a tenté d’empêcher les tyrans  de passer à l’acte. Et depuis lors,   l’Occident, chantre de la liberté, n’est jamais intervenu pour libérer un peuple : ni en Pologne, ni en Hongrie, ni en Tchécoslovaquie, ni au Chili. Nulle part. Et si le bloc soviétique s’est effondré, en 1989,  l’Occident n’y est pour rien. De même, personne ne croit plus que c’est pour libérer les Irakiens que GW Bush s’est attaqué à Saddam Hussein.

Si rien n’est fait pour  aider les révoltés de Téhéran à    renverser le Guide et mettre en place une nouvelle autorité, séparant le religieux et le politique, dans l’intérêt même du religieux, le pays s’enfoncera dans la dictature, les réformistes sombreront dans l’amertume, et se retourneront contre l’Occident.   Or, nous avons besoin de l’Iran : il est la clé de la croissance mondiale, le point de passage obligé  entre la dynamique de l’Asie, l’énergie du Moyen Orient, et les technologies de l’Europe.

Que peut-on faire ? L’ouverture, comme au Chili ? Le boycott, comme à Cuba ? La guerre, comme en Irak ? Les trois, sans doute, mais dans un ordre précis, aussi clairement annoncé aux dirigeants iraniens qu’eux-mêmes affichent leurs objectifs de destruction.  D’abord, tout faire pour   fournir à la jeunesse d’Iran  les moyens de voyager à l’étranger, de recevoir des informations et   de résister, en respectant l’autonomie de leur combat. Simultanément, priver les  dictateurs des ressources nécessaires à leur oppression : un véritable boycott diplomatique, économique et  politique. Enfin, si et si seulement les tyrans parviennent à leurs fins et approchent de la possession d’une arme dont il est clair qu’ils l’utiliseront,  en finir avec leur dictature, avant qu’elle n’en finisse avec nos civilisations.