Deux tendances lourdes vont progressivement devenir incontournables dans le monde de l’après crise: la déflation et la nationalisation.

D’une part, le ralentissement massif de la demande pousse les entreprises, pour survivre, à baisser massivement les prix de leurs produits et de leurs services : nous entrons dans une économie générale de soldes. Non seulement dans les domaines liés à la mode, mais dans tous les autres; et pour vendre, il faudra en permanence proposer aux consommateurs des bonnes affaires.

La baisse des prix deviendra ainsi la règle; il est possible même que cela se traduise par une déflation générale. Non seulement, comme c’est déjà le cas, par une baisse générale du prix des actifs, mais aussi des produits de consommation, comme l’annonce déjà la baisse majeure des prix des matières premières et les pratiques de plus en plus générales de l’industrie automobile et de celle du vêtement.

Vivre en situation de déflation aura des aspects très positifs pour ceux qui ont des revenus fixes et pas de dettes. Cela sera désastreux à l’inverse pour ceux, entreprises ou personnes privés, qui auront des revenus liés à des recettes en baisse, et des dettes, dont la valeur réelle augmentera.

D’autre part, il devient enfin clair pour presque pour tout le monde que le système bancaire et les compagnies d’assurances d’un très grand nombre de pays manquent  et manqueront cruellement de fonds propres. Et même si tout est fait pour l’éviter, de plus en plus de gens se rendront compte qu’il faudra en passer par la nationalisation, d’une façon ou d’une autre, du système bancaire et des assurances.

Nationalisation du système financier

Les Anglais, avec leur pragmatisme, l’ont déjà mis en partie en œuvre. Les Américains, avec leur juridisme, tremblent à l’idée de devoir prendre la responsabilité publique de gérer les faillites des entreprises clients des banques et des expulsions des détenteurs devenus insolvables de crédits hypothécaires. Les Français, avec leur particularisme, continuent de croire que le nuage de Tchernobyl s’arrêtera à leurs frontières.

Et pourtant, tous, d’une façon ou d’une autre, devront engloutir de l’argent public dans leurs entreprises financières. Les opinions publiques auront de plus en plus de mal à admettre que cet argent ne serve pas à relancer l’économie, que son usage ne soit pas contrôlé par des dirigeants nommés par l’Etat, que celui-ci ne soit pas propriétaire de ces actifs. La nationalisation globale du système financier va être de rigueur et elle transférera sur les dirigeants politiques la quasi-totalité de la responsabilité de l’économie. RBS, Fannie Mae, City Bank, des banques allemandes, italiennes, et françaises, entre autres, seront ainsi nationalisées. Mais à quel prix?

Si on relie les deux tendances qui précédent, les Etats, c’est-à-dire les contribuables, nationaliseront en soldes, c’est-à-dire à prix bradés, pénalisant les actuels actionnaires des institutions financières.

Une façon simple d’y parvenir serait de prêter de façon obligatoire aux entreprises financières, sous forme d’obligation convertible, les sommes nécessaires à leur survie, avec une conversion facultative si le cours monte jusqu’à un niveau significatif, et une conversion obligatoire si le cours baisse significativement. Par exemple, si le cours d’une banque est de 20, l’obligation convertible se transformera de façon facultative en actions si le cours monte à 30, et de façon obligatoire dès que le cours descend à 5. Dans le premier cas, les gagnants seront les actionnaires. Dans le second, ce sera les contribuables.

D’une certaine façon, la première tendance traduit la victoire des consommateurs sur les travailleurs et la deuxième celle des contribuables sur les actionnaires. Etrange monde, où l’impensable coalition des contribuables et des consommateurs semble de plus en plus en situation de l’emporter sur celle, tout aussi improbable, des actionnaires et des salariés.