Personne ne peut contester l’importance de se donner tous les moyens pour lutter contre le terrorisme, y compris celui de violer la vie privée de ceux qui en sont soupçonnés.
Personne ne peut contester non plus la nécessité de donner a la justice. les moyens de tout savoir sur les agissements d’une personne en relation avec un crime ou d’un délit dont il ou elle serait soupçonné.
Mais, en mêlant les deux, l’article 20 de la nouvelle loi de programmation militaire vient de donner a l’administration tout pouvoir de traiter toute citoyen soupçonnée d’un délit quelconque comme un terroriste, c’est a dire de pénétrer dans sa vie privée sans contrôle a priori d’un juge.
En voulant transcrire le texte de loi qui régit les écoutes administratives en cas de soupçon de terrorisme, le texte de l’article 20 (ex. art. 13) de la Loi de Programmation Militaire est en effet allé beaucoup plus loin en y introduisant toutes les  » infractions mentionnées à l’article 695‑23 du code de procédure pénale » c’est a dire pratiquement tous les crimes et les délits.
Autrement dit, tous les crimes et délits seront désormais traités comme les actes de terrorisme. Tous les personnes suspectées d’un délit quelconque seront traitées comme des gens soupçonnés de terrorisme.
Tout citoyen devient un terroriste qui s’ignore.
Concrètement, il deviendra possible, a partir de janvier 2015, si la loi n’est pas modifiée, de pénétrer dans votre ordinateur sans contrôle d’un juge si vous êtes soupçonné d’avoir téléchargé un fichier musical ou un film ou soupçonné de « fraude » ou de « piratage » Juste par la volonté d’une « autorité administrative », c’est a dire d’un être humain anonyme, investi d’une autorité.
Sans vouloir mettre en doute l’intégrité de ceux qui auront cette charge, la nature humaine est ainsi faite que tout homme utilise jusqu au bout le pouvoir dont il dispose.
Nous sommes déjà suivis, surveillés, et nous le seront de plus en raison de l’internet des objets, du cloud computing, et autres technologies a venir La tyrannie de la transparence, dont j’annonce le danger depuis longtemps, vient , pour la première fois, de trouver sa traduction dans une loi. Une loi française.
Il est ahurissant qu’un tel texte ait pu être voté sans que nulle voix au parlement ou dans les grands médias ne s’élève, malgré l’indignation des associations de droits de l’homme.
Comme si chacun considérait déjà qu’il était l’ennemi de tous les autres. Et qu’il devait s’en garder par tous les moyens.
Ainsi meurent les démocraties.
Jacques attali