A côté des innombrables mauvaises nouvelles qui se sont accumulées, pour le pouvoir, en France, à partir de la réélection du président en 2024, aggravées par la calamiteuse dissolution de 2024, il en est peut-être enfin une bonne aujourd’hui : la nomination du ministre des Armées comme Premier ministre. Je ne parle pas ici des qualités intrinsèques éventuelles de ce politicien apprécié de beaucoup, ni de la démarche, enfin sensée, consistant à chercher un accord de gouvernement avant de foncer droit dans le mur, mais du fait qu’il dirigeait un ministère antérieurement comme ministère de la Défense nationale.
En effet, cette fonction antérieure pourra peut-être lui permettre de comprendre que rien n’est plus important aujourd’hui pour le gouvernement, dans son ensemble, que de préparer le pays à la guerre, sous toutes ses formes.
Car elle nous menace. Et cela ne se résume pas à quelques signaux faibles difficiles à interpréter.
D’abord des menaces militaires directes, à nos frontières : en Ukraine, où nos forces sont déjà engagées à distance et se préparent à l’être plus précisément sur le terrain, en gardien de paix. En Pologne où, cette semaine même, les armées russes ont organisé des intrusions aériennes si intenses qu’elles ont été de véritables provocations, entrainant des ripostes de l’armée polonaise. En Afrique, nos ultimes troupes présentes sur le terrain sont confrontées à de redoutables menaces terroristes. Partout ailleurs, des menaces pèsent sur nos intérêts et sur nos ressortissants.
Ensuite une menace terroriste, sous des formes les plus diverses, et quasi-quotidienne, sur le territoire national, portée par des gens de plus en plus jeunes, d’origine de plus en plus diverse, manipulés par des services ou des groupements étrangers.
Ensuite encore, des agressions économiques permanentes, sous forme d’espionnage industriel, de faux étudiants invités dans nos laboratoires de recherche, de soi-disant partenariats industriels ne visant qu’à nous voler nos savoir-faire, de rumeurs répandues sur les marchés, de campagnes médiatiques pour nuire à notre image, à nos entreprises, à notre tourisme.
Ensuite encore, les appels répétés venus de partout, expliquant que nos ennemis sont nos amis, qu’il n’y a rien à craindre d’eux et qu’il vaudrait mieux nous désarmer ; ou que, si on s’arme, il vaut mieux le faire avec des armes venues de pays qui en conserveraient la clé d’usage.
Ensuite encore, les menaces que fait peser sur nous la vengeance de la nature, contre les agressions que nous lui faisons subir, des inondations au réchauffement climatique, des incendies à la disparition de la vie sauvage.
Enfin, d’autres agressions bien réelles, dont trop de gens ont du mal à percevoir la réalité et à relier à un grand schéma géopolitique : les virus numériques bloquant nos banques, nos hôpitaux, nos services publics, pour mesurer notre capacité de nous en protéger ; les provocations anonymes ciblant la communauté juive puis la communauté musulmane, pour dresser les Français les uns contre les autres ; les appels soit disant spontanés à bloquer le pays, lancés par des inconnus qui pourraient bien être des agents étrangers, pour évaluer notre capacité à nous entretuer.
Toutes ces menaces viennent de partout. De Russie, de Chine, des Etats-Unis ; chacun de ces pays ne le cache pas et claironne même parfois que l’Union européenne est leur ennemi et qu’ils cherchent à la paralyser, à mettre à bas ses institutions et sa monnaie ; et en particulier, à miner de l’intérieur le seul pays membre de cette Union disposant de l’arme nucléaire et d’un siège au Conseil de Sécurité des Nations Unies : la France.
A toutes ces menaces, s’en ajoute une dernière, encore plus pernicieuse et mortelle : celle, venue du cœur de la nation, la nonchalance qui conduit à se relâcher, mépriser le travail, à devenir hédoniste, s’endetter sans limite, lâcher la rampe.
Face à tout cela, il n’y a pas d’autre réponse qu’un réveil urgent, une mobilisation générale.
En prenant exemple sur les deux pays les mieux préparés aujourd’hui à relever ces défis, la Finlande et la Chine : tous les deux distribuent régulièrement à leurs citoyens des informations sur l’attitude à avoir en cas de guerre ; ils élaborent des plans nationaux de mobilisation, recherchent en permanence leurs failles, traquent sans cesse les pénuries qui les menacent, refusent de croire aux promesses de leurs alliés, prennent les décisions les plus importantes dans des cercles très restreints, où ne sont admis que ceux des citoyens ayant le niveau le plus élevé d’habilitation en matière de secret défense.
Cet état d’esprit n’existe en France, pour l’essentiel, que dans un seul corps, celui de l’armée, dont c’est le métier. Même si parfois, on a le sentiment qu’elle en est encore à planifier la mise en œuvre en 2040 d’armes dont on aurait eu besoin en 1980, sans voir venir un tout autre terrain de combat, beaucoup plus global et diffus, sans se méfier assez de ses propres alliés et sans mobiliser la nation.
C’est la nation ukrainienne tout entière qui a arrêté la progression russe. Pas seulement son armée. C’est la nation française tout entière qui pourra enrayer son déclin et résister à ses ennemis. Cela suppose de faire beaucoup plus d’effort de cohésion nationale et de justice sociale et de travailler beaucoup plus, avec une juste dose de paranoïa.
On pourrait alors rêver d’un Premier ministre venu de la Défense et en charge de la mobilisation nationale sur les enjeux économiques, financiers, sociaux, militaires, démocratiques et écologiques.
Encore faudrait-il que, au plus haut niveau de l’Etat, on ait le sens du tragique ; et qu’on comprenne enfin que c’est en mobilisant toute la nation, en se préparant au pire, qu’on a une chance d’y échapper.