Tout indique que nous allons vers un paroxysme des déséquilibres, sans qu’aucune force de rappel ne semble se mettre en place.

Trois exemples, annoncés cette semaine :

Les températures de la planète selon un article publié par la revue américaine Science, sont plus chaudes que celles enregistrées durant la plus grande partie des onze derniers millénaires.

Et le réchauffement présent est inédit, par sa rapidité, extrêmement brutale : la courbe qui le décrit est en forme de crosse de hockey, disent les spécialistes, et les températures vont continuer d’augmenter dans les décennies à venir, pour atteindre des niveaux jamais atteints.

Selon diverses études de banques et d’organismes officiels de prévision, la dette publiques des pays de l’OCDE atteindra en 2013 des niveaux jamais atteints depuis 1945 et continuera d’augmenter dans les années qui viennent ; plus encore, aux Etats-Unis, la dette de tous les acteurs économiques dépasse les 400% du PIB soit plus que ce qu’elle était en 1930. Et là encore, tout montre que, malgré tous les efforts d’austérité, le ratio entre la dette publique et le PIB continuera d’augmenter, aussi longtemps que, et la où, la croissance nominale ne sera pas significativement supérieure au taux d’intérêt. Le niveau de fortune des plus riches continue d’augmenter, bien plus rapidement que la croissance mondiale, creusant les inégalités à des niveaux jamais atteints : selon un grand spécialiste de l’immobilier de luxe, le nombre des « High-Net-Worth Individuels » (HNWI), (ayant un patrimoine supérieur à 30 millions de dollars, devrait passer de 180.000 personnes aujourd’hui (61.000 en Amérique du Nord, 53.000 en Europe, 42.000 en Asie) à 270.000 dans dix ans. En 2012, le nombre de ces super riches a crû de 8700 personnes, et leur richesse totale a augmenté de 566 milliards de dollars pour atteindre 26.000 milliards, soit plus du tiers du PIB mondial et plus de 10% du patrimoine privé mondial, pour environ, en comptant leurs familles, 1 millions de personnes : 10% du patrimoine mondial sera dans dix ans entre les mains de 0,0125% de la population mondiale. Sans que cela soit justifié par leur travail ou leur créativité. Ces évolutions ne sont pas tenables. Un monde où la température serait de 6 à 10 degrés supérieur au nôtre, où la dette publique serait de 300% du PIB, où 10% du patrimoine serait entre les mains d’un cinquante millième de la population serait un enfer.

Quelque chose se produira avant.

Aujourd’hui, comme souvent, personne ne veut croire que cela aura lieu. Tout le monde croit que des forces de rappel raisonnables se mettront en place. Que cela viendra, pour le climat, par la maitrise du C02; pour la dette, par la croissance et la maitrise des déficits; et pour l’écart des revenus par les revenus de transferts. Illusion. Illusions. D’autres croient que ces trois problèmes seront réglés par le progrès technique, qui permettra des économies d’énergie, qui rendra l’Etat plus efficace, et qui disséminera la fortune à toute la population mondiale. Illusion. Illusions.

Le pire ennemi de l’homme aujourd’hui, c’est lui-même. Sa capacité à ne pas accepter les choses comme elles sont : Il a voulu être libre. Il l’est. Plaise au ciel qu’il ne se le prouve pas à lui-même en se suicidant.

Plaise au ciel que nous réagissions tous à temps.

j@attali.com