Près d’un million de Français (près d’un adulte sur 50) sont candidats aux prochaines élections municipales. Et parmi eux, pour la première fois, presque autant de femmes que d’hommes. Ce nombre est énorme et mérite qu’on s’y arrête. Il constitue un trésor qu’il faut protéger.

A un moment où tous les « signaux faibles » nous conduisent à penser que la démocratie française est en péril, il faut se réjouir de cet engagement citoyen et le préserver précieusement. La démocratie, en effet, est menacée aujourd’hui par la façon dont chacun de nous la traite. Trop d’hommes politiques la discréditent par leurs comportements, leur goût des petites phrases et leurs médiocres combats. Trop de médias traitent les petites faiblesses des démocraties avec moins d’indulgence que les turpitudes des dictatures. Trop de citoyens ne voient dans leurs élus que des profiteurs, sans vouloir eux-mêmes s’engager dans la vie publique. Trop d’électeurs, enfin, s’apprêtent à refuser d’utiliser le privilège dont ils disposent, si rare dans le monde : voter librement dans un pays libre.

Les conséquences sont prévisibles, parce qu’on les a déjà vécues en France. On a vu, on verra, on voit déjà se développer des mouvements plus ou moins factieux, hors des partis et des syndicats, on les voit prendre la tête des manifestants et canaliser les colères pour promouvoir leurs propres idéaux. On verra, on voit déjà des élus et des syndicalistes, par opportunisme ou par lâcheté, se ranger derrière ces mouvements, espérant surnager sur un torrent de boue. On l’a vécu en 1940, on le revoit aujourd’hui, toutes proportions gardées, avec le ralliement de maires et de syndicalistes bretons aux Bonnets Rouges, dont le programme remet en cause la nature même de la République.

Mettre à l’abri la démocratie est donc essentiel. Il faut donner à ceux qui, par centaines de milliers, se présentent aux prochaines élections locales, les moyens d’en être et d’en rester les premiers défenseurs. En faisant d’abord en sorte que la campagne municipale reste digne jusqu’au bout, qu’elle soit l’occasion de débattre sereinement, commune par commune, de projets à moyen terme, pouvant être effectivement mis en œuvre par des équipes stables, élues pour six ans, et concernant les principales préoccupations des gens : l’emploi, l’environnement, le logement, les transports, l’école, la santé, mais aussi l’architecture, l’art, la douceur de vivre – et de vivre ensemble.

Ensuite, il faut garantir qu’après l’entrée en vigueur des lois interdisant le cumul des mandats et instaurant les nécessaires regroupements de communes en métropoles et agglomérations, le pays ne perdra pas ce formidable potentiel de démocratie que représentent les élus locaux. Décidons dès maintenant de maintenir, sur le territoire de chaque commune fusionnée, un « comité local » auquel pourront être délégués de significatifs pouvoirs de proximité, sans remise en cause des formidables économies que ces regroupements rendent possibles.

Enfin, il faut inciter tous ces candidats à rejoindre, avant ou après le scrutin municipal, les rangs des partis nationaux, pour que ceux-ci deviennent de grandes forces politiques, financées honnêtement par de très nombreux membres, défendant le seul intérêt général de la nation et capables à la fois de renouveler leurs représentants dans les diverses instances de la République, de se disputer sur des sujets importants à chaque échéance électorale et de s’unir, le moment venu, dans la sauvegarde des institutions. Cela devient chaque jour plus urgent. Parce que je suis convaincu qu’un jour, plus proche qu’on ne croit, le rassemblement de ces forces, au service de la démocratie, sera nécessaire, et qu’on pourrait regretter de ne pas les avoir constituées.