Deux sujets en apparence sans rapport ont occupé et occupent encore les esprits : la crise financière mondiale et l’accident nucléaire au Japon. De fait, ils ont d’innombrables points communs.

1. Une très grave crise provoquée par l’excès d’avidité financière. Les banques américaines dans un cas, l’opérateur nucléaire japonais dans l’autre ont provoqué des désastres considérables par leur recherche de profits illimités, sans tenir compte des risques ; résultat : aux Etats-Unis, plus de 15% de la population est en faillite ; au Japon, les dommages dépasseront sans doute 5% du PIB, une zone aujourd’hui habitée par plusieurs millions de personnes sera durablement contaminée.

2. On n’est pas passé loin d’une catastrophe mondiale : dans le premier cas, une dépression planétaire a failli entrainer l’effondrement du système bancaire et économique mondial. Dans l’autre, un accident nucléaire majeur aurait pu entrainer une pollution radioactive irréversible d’une partie importante de la planète.

3. La gestion de ces deux crises a entrainé et entrainera d’immenses dépenses publiques, qui ont aggravé et aggraveront les dettes publiques des pays les plus riches, accélérant le déplacement du centre de gravité du monde.

4. L’humanité n’a plus les moyens de financer les conséquences d’une autre catastrophe de même ampleur : si une nouvelle crise financière mondiale se déclenchait, il serait impossible de couvrir les pertes des banques ; leurs nationalisations s’imposeraient. Si un nouvel accident nucléaire majeur se produisait, on serait sans doute amené à fermer, au moins provisoirement, toutes les centrales en service dans le monde.

5. Et pourtant, on ne tire pas les leçons de cette crise pour éviter les suivantes : en matière financière, rien n’a véritablement changé. Aux Etats-Unis, aucune réglementation prudentielle n’a été vraiment mise en place et les banques continuent de faire l’essentiel de leurs profits dans des activités spéculatives ; au Japon, personne ne se pose la question de ce qui serait arrivé si le tsunami avait submergé Tokyo, ville gagnée sur la mer, que ne protège aucune digue ; dans le monde, on continue de commercialiser sans contrôle des centrales nucléaires sommaires et bon marché.

En fait, tout cela peut se comprendre : l’humanité, comme chacun de nous, déteste les mauvais souvenirs et nul n’aime penser que les malheurs peuvent revenir ; nous préférons vivre sous la dictature de l’insouciance.

Cela ne peut conduire qu’à des catastrophes ; et en particulier à la victoire ultime de ceux qui prétendront, une fois de plus, protéger l’humanité de ses démons, en interdisant le risque, l’inattendu, l’étranger, la liberté : la dictature de l’insouciance prépare la fin de la démocratie.

En France, c’est à cet aulne qu’il faudra juger de la prochaine déferlante des programmes présidentiels : en quoi s’attaquent-ils aux problèmes de fond de la société française ? En quoi dotent-ils le pays des moyens de résister aux dangers du monde et de profiter de ses promesses ? En quoi protègent-ils des catastrophes annoncées ? Pour l’instant, on en est encore loin.