Comme on pouvait le prévoir depuis que le G20 de Londres a choisi de sortir de la crise des finances privées par l’augmentation illimitée des dettes publiques, la crise financière mondiale dérape en crise des finances publiques. A force d’inventer des moyens de plus en plus tordus d’emprunter sans le dire, les marchés ne croient plus que gouvernements sauront rétablir leurs équilibres et font le pari que quelque chose va s’effondrer.

D’abord, pronostiquent-ils, des pays tomberont, comme on l’a vu déjà avec l’Islande, l’Irlande et la Grèce. Puis, l’euro lui-même disparaitra, car il ne pourra durablement exister sans solidarité fiscale entre les pays partageant la même monnaie. Puis ce sera le tour du système financier mondial, si on continue à y émettre de la monnaie de facon aussi illimitée, bien au-delà de la production réelle de richesse.

Pour l’empêcher, il ne suffira pas d’empêcher la spéculation : elle révèle une tendance profonde, qui ne saurait être inversée par la seule interdiction des paris sur son évolution. Il faut aller plus loin et rétablir des financements sains des Etats.

Pour y parvenir, le directeur général du Fonds Monétaire International vient d’émettre une proposition très rationnelle, qui peut conduire au meilleur comme au pire, suivant la facon dont elle sera mise en œuvre.

Il vient en effet de demander que soit donné à l’institution qu’il dirige un mandat de supervision du système financier international, avec droit d’intervention dans les affaires budgétaires des nations, pour éviter que les pays continuent à s’endetter sans contrôle, promettant en échange d’accorder aux Etats dont le comportement budgétaire deviendrait raisonnable des lignes de crédit à court terme en complément de celles que leur accordent déjà, de facon presque illimitée, les marchés financiers et les banques centrales. Il a même proposé de fournir aux Etats en difficulté « un actif de réserve émis mondialement, semblable, mais dans des aspects importants différent, aux Droits de tirage spéciaux (DTS)».

En toute logique, la mise en œuvre de cette proposition déboucherait sur la transformation du FMI en banque centrale planétaire assurant la liquidité de tout le système financier international avec une monnaie unique mondiale. Cette idée rejoint celle du Bancor qu’avait proposé Keynes au moment de la création du FMI en 1944 et que les Américains avaient alors refusé, pour ne pas remettre en cause la suprématie du dollar ni se trouver contraints eux-mêmes à une discipline.

Aujourd’hui, les Etats-Unis pourraient l’accepter, non pour s’imposer une discipline, mais pour financer leurs déficits publics par d’autres ressources que les emprunts aux fonds souverains. Tout le monde se mettrait alors d’accord pour pousser le FMI à accorder de tels crédits nouveaux, sans lui donner pour autant les moyens juridiques et politiques d’un véritable contrôle des déficits budgétaires.

Dans ce cas, la proposition de Dominique Strauss Kahn reviendrait à faire fonctionner une nouvelle planche à billets, émettant une monnaie de plus, qui compléterait la panoplie des financements imaginaires de déficits illimités, emportant le monde dans une épouvantable glissade. Qui aura désormais le courage de s’arrêter en si mauvais chemin ?