D’une passionnante conférence, réunissant, sans autre but que d’échanger des idées, quelque-part aux Etats-Unis cette semaine, une trentaine de personnes d’une quinzaine de nationalités, je retiens quelques conclusions peut-être utiles à nos débats.

1. Il y a peu d’endroits au monde où l’on puisse ainsi faire venir pour deux jours, sans autre agenda que de réfléchir ensemble, les plus grands patrons et innovateurs de la Silicon Valley, les plus hauts responsables de quelques-uns des plus grands fonds d’investissement mondiaux, quelques-uns des meilleurs économistes du monde anglo-saxon, des chinois professeurs de philosophie et d’économie, des scientifiques du monde entier en neuroscience, genomique, énergie, des medecins, des diplomates d’Afrique et d’Inde, et seulement deux européens, dont une personnalité essentielle de la vie publique allemande. Sans communiqué. sans note, ni document préparatoire.

Et ce qui suit ne sont que quelques unes de mes conclusions personnelles.

2. L’Amérique doute d’elle-même, en ce que ses élites commencent à comprendre que son système politique est aujourd’hui totalement paralysé par l’importance des dépenses électorales, qui mettent l’exécutif et le législatif entièrement entre les mains d’intérêts particuliers et empêchent de prendre toute décision impopulaire, en particulier pour réduire les inégalités, qui vont encore croire.

3. La chine est vue à la fois comme une menace, remplaçant heureusement l’union soviétique disparue, et un modèle envié pour sa capacité à tenir compte du long terme dans ses décisions, ce que les démocraties ne peuvent faire.

4. L’Europe est considérée comme ayant déjà disparue de l’Histoire. Presque personne ne croît que les pays européens, même s’ils le voulaient, pourraient encore sauver l’euro. Et beaucoup pensent que la disparition de la monnaie unique est une question de mois sinon de semaines.

5. Pour tous, les principaux progrès à venir, qui sont gigantesques, viendront de la multiplication des réseaux réels et virtuels, de la capacité à maîtriser le stockage de l’énergie, de la capacité à apprendre, et de la possibilité de fabriquer à distance tout objet en 3 dimensions. Ils permettront de se concentrer alors sur le problème principal : comment apprendre mieux et plus vite ? Comment faire surgir une intelligence collective capable de penser plus vite que chacun des individus qui la composent ?

6. Devant ces progrès techniques immenses, les deux principaux défis pour le politique sont : faut-il avoir plus d’enfants, pour éviter d’avoir une société trop vieille, dépendant de trop peu de travailleurs ; ou faut-il au contraire en avoir moins, à un moment ou le progrès technique va faire disparaître un nombre considérable de métiers, sans les remplacer par d’autres.

7. Comment organiser une gouvernance mondiale dans laquelle tout le monde se reconnaisse sans espérer plus qu’une réorganisation de l’organisation des nations unies ?

A lire cela, on peut comprendre que le monde à venir, aux immenses promesses, ne sera dirigé ni par le G8 ni par le G20 ni par un G2 entre la Chine et les États unis, mais plutôt un G0 dans lesquels les pouvoirs appartiendraient aux entreprises, aux médias, aux ONG, aux cartels, dans un chaos dont nul ne peut promettre qu’il ne débouchera pas sur le pire.