J’espère qu’on autorisera ici l’éditorialiste de l’Express à parler, pour une fois, un peu de lui: j’exerce plusieurs métiers a la fois, qui se nourrissent l’un l’autre. Économiste, banquier, dirigeant d’une institution internationale, chef d’orchestre amateur a mes heures; ces activités nourrissent ma réflexion d’écrivain et de journaliste.

De plus, j’ai accepté à plusieurs reprises de composer et de diriger une commission de reforme. Celle que j’ai animé a la demande d’un gouvernement de gauche, en 1998, a abouti a la reforme des diplômes dite LMD, aujourd’hui appliquée dans toute l’Europe. Puis une autre, a la demande d’un gouvernement de droite, pour proposer des réformes de structures de l’économie.

A chaque fois, des gens de toutes opinions politiques se sont réunis pour parler au nom des générations suivantes, de celles qui n’ont pas encore le droit de vote et qui ne sont pas représentées dans le processus de décision publique, sinon par la constitution et son préambule.

A chaque fois, le parti pris fut d’arriver à un accord unanime. Car tout ne se résume pas a une opposition entre la droite et la gauche: il y aussi une opposition entre l’avant et l’après, entre la conservation des situations acquises et la préparation de l’avenir.

Une fois de plus, dans le rapport que la commission que je préside vient de rendre, nous avons appliqué ces principes.

Inévitablement, nous mécontentons à la fois ceux qui ne veulent pas réduire les dépenses, et ceux qui ne veulent pas augmenter les impôts; ce qui, au total, finit par faire beaucoup de monde.

Nous satisferons, je l’espère ceux qui comprendront qu’on ne peut continuer durablement à vivre, financièrement, socialement et écologiquement au crochet des générations suivantes.

Encore faut il que, au delà des déclarations d’intention, ils soient prêt a en assumer les conséquences: par exemple, réduire le déficit budgétaire a 3% du PIB en 2012 est un objectif partagé officiellement par toute la classe politique française , ce qui ne l’empêche pas de protester quand nous disons que cela exige 25 mds d’économies ou d’impôts supplémentaires par an,( si la croissance est de 2% par an) et plus encore si elle est inférieure.

Et aussi quand nous disons que l’actuelle reforme des retraites est inévitable, mais injuste et incomplète, ou quand nous disons qu’il est urgent de reformer le statut des demandeurs d’emploi ou des directeurs d’école, de prolonger le grand Paris jusqu’ a la mer, de contrôler notre accès aux matières premières ou de se doter d’un ministère européen des finances.

Il ne s’agit en rien d’une politique d’austérité, ni d’une remise en cause de l’importance des dépenses publiques. Mais au contraire d’un renforcement de l’efficacité de l’action publique, au service de l’efficacité et de la justice sociale.

Bien sur, si j’avais écrit ce rapport seul, j’aurais mis d’autres accents: en particulier j’aurai proposé d’aller plus vite vers la réforme fiscale pour avoir un peu moins à réduire de dépenses sociales.

Il n’empêche: ce document propose un programme efficace et juste. Il protège les plus faibles et en particulier les enfants ; il donne, pour la première fois, un chemin réaliste et consensuel pour dix ans. On ne pourra plus ignorer qu’il est possible de sortir ce pays de son ornière.