Encore une fois, deux évènements apparemment sans rapport l’un avec l’autre nous disent beaucoup de l’évolution de notre société. A condition d’oser penser au-delà des statistiques et des moyennes, pour percevoir la généralité derrière l’anecdote, l’axiome derrière l’exemple.

Cette fois, deux incidents ayant fait l’actualité totalement indépendamment nous apprennent à réévaluer le rôle crucial des objets nomades dans l’évolution idéologique et politique de nos sociétés.

1. Le survol de centrales nucléaires françaises par des drones inconnus, en même temps que l’apparition prochaine sur le marché de drones bon marché dotés d’excellentes caméras, nous annoncent que, désormais, nul ne sera plus à l’abri d’être filmé, où qu’il soit, en plein air ou même dans un appartement à condition que les volets en soient ouverts: des drones ont déjà filmé de l’extérieur des gens dans des salles de réunion situées au 50ème étage d’un immeuble de Manhattan. Et les logiciels de reconnaissance morphologique, de plus en plus précis, ne respecteront plus le moindre anonymat.

2. L’enregistrement d’une conversation/interview, par deux journalistes, par le truchement d’un téléphone portable nous prévient que tout téléphone posé négligemment sur la table d’un déjeuner, d’une réunion ou près d’un lit peut tout enregistrer d’une conversation, à l’insu d’un au moins des protagonistes. Et les logiciels d’authentification sonore ne laisseront plus le moindre doute sur l’identité des interlocuteurs.
Si on réunit l’un et l’autre de ces événements, et si on extrapole ce qui peut en découler, on voit donc s’installer, beaucoup plus vite encore que prévu par la vulgate des prévisionnistes, la tyrannie de la transparence: tout désormais peut être vu, entendu. Mais aussi la tyrannie de l’insécurité, car tout drone peut transporter une charge explosive, que tout téléphone mobile peut déclencher.
Là est la logique infernale derrière ces anecdotes: le mobile peut télécommander un drone. Le drone peut surveiller, comme le mobile. Le mobile peut menacer, comme le drone. Et, comme la menace sert de prétexte à la surveillance, les dynamiques de l’un et de l’autre s’auto entretiendront pour devenir exponentielles.

3. Le lien entre ces deux technologies est rendu plus évident encore par une troisième information passée plus inaperçue cette semaine: L’administration américaine vient de reconnaitre qu’elle écoute, sous prétexte de sécurité nationale, des millions de téléphones portables de citoyens américains à partir de centres d’écoute placés dans des avions; demain dans des drones.
Tel est le monde dans lequel nous allons vivre : une tyrannie acceptée sous le règne de la peur.

Si l’on n’y prend garde, si on ne met pas en place les règles de droit nécessaires pour protéger nos vies privées et renforcer notre droit à devenir librement nous mêmes, le pire s’annonce à partir de technologies apparemment innocentes et pourtant porteuses, si on le veut bien, de formidables progrès et de grandes libertés.