Il est extraordinaire d’avoir vu s’achever la bataille pour la désignation d’un chef de parti sans que ni lui ni ses concurrents ne proposent un programme. Ni pour ce qu’ils proposaient de faire du parti dont ils briguaient la charge, ni pour la façon dont ils entendent voir désigner leur candidat à l’élection présidentielle ; et encore moins le programme que ce dernier proposerait au pays.

Et comme à gauche, au centre, et aux extrêmes, le vide est tout aussi grand, la France se trouve dans une situation très périlleuse et très enthousiasmante à la fois. Parce que tout est possible.

Cela peut tourner au pire, comme cela s’annonce en Grèce avec Syriza ; ou au mieux, comme cela s’annonce en Espagne avec Podemos, ce parti sorti de nulle part sinon d’un groupe de gens de raison et d’intelligence, dont nul, même pas ses fondateurs, n’avait imaginé l’existence il y a un an, et qui est aujourd’hui en tête de tous les sondages.

En France, (en attendant la naissance, ex nihilo, d’un « Grand parti de Salut Public », que j’appelle de mes vœux, et qui réunirait tous ceux qui, en France, veulent encore croire en ce pays et libérer ses forces créatives sans détruire l’État qui en constitue l’essence), il importe de mettre au défi les partis existants, qui ne savent pas encore qu’ils sont moribonds sinon morts, d’accoucher d’un programme crédible .

Ils devront d’abord prendre acte de leur faillite dans l’action, s’ils ont déjà gouverné. Et renoncer à l’absurdité démagogique dont ils se nourrissent, s’ils n’ont pas encore gouverné.
Pour élaborer un tel programme, les droites et les gauches ne peuvent plus se référer à des concepts du 19ème siècle. Il faudrait tout réinventer, à l’aune d’un monde en total bouleversement. Ils en sont totalement incapables.

Cette tâche est particulièrement difficile pour l’UMP, ou quel que soit son nom futur, parce qu’il sera difficile à son nouveau patron, qui le fut déjà hier, de nier la situation catastrophique dans laquelle il a laissé au pays ( par exemple, la crise financière n’explique qu’un tiers de l’endettement public qu’il a provoqué pendant son mandat présidentiel), et de proposer un nouveau programme, sans qu’on lui demande pourquoi il n’a pas fait pendant son premier mandat ce qu’il dirait vouloir faire dans son second. Et sa reculade en direct sur le mariage pour tous n’augure pas favorablement de sa capacité à résister aux pressions diverses auxquelles tout président doit faire face.

La campagne qui s’achève pour la direction de l’UMP annonce donc un programme archaïque, mélange d’étatisme crispé et d’antimodernisme sociétal, aux antipodes de ce qu’un grand parti libéral devrait incarner aujourd’hui : une réduction massive de la place de l’Etat dans la société, par une privatisation de nombreux services publics, ou au moins leur transformation en agences de droit privé ; une réduction concomitante des impôts sur le revenu des créateurs ; une augmentation des impôts sur les rentes, dont l’héritage ; une réduction massive des obstacles à la création d’entreprises, d’associations, de syndicats, de médias, d’objets culturels de toutes natures, par un incitation massive au mécénat et au financement participatif ; un encouragement à tous les salariés, actifs ou chômeurs, pour qu’ils deviennent des entrepreneurs ; un accueil bienveillant et même proactif à tous ceux, étudiants, entrepreneurs, chercheurs, artistes, qui voudraient venir du reste du monde pour apporter leur pierre à la culture française ; une promotion planétaire des droits de l’homme ; un patriotisme linguistique décomplexé ; une volonté entêtée de poursuivre la constitution d’une Europe politique, dont le libéralisme politique viendrait compléter l’actuel libéralisme économique. Enfin, une libération croissante des mœurs, y compris familiaux, et du rapport à la mort.

Naturellement, tout cela, les ex-nouveaux dirigeants de l’ex-nouvel UMP ne l’oseront pas. Et ils décevront.