Il est un endroit magique, à l’est du Myanmar (l’ancienne Birmanie), à 700 kilomètres au nord de Yangon (l’ancienne Rangoon) dans les montagnes Shan, proches de la Chine et du Laos : le lac Inle. Son sauvetage est urgent, symbolique de celui de notre planète.

Situé à plus de 800 mètres d’altitude, très peu profond, il couvre plus de douze mille hectares. Une vingtaine de villages lacustres y regroupent 80 000 habitants venus d’innombrables ethnies : des Shans surtout mais aussi une dizaine d’autres, dont les Kachin, les Mon et les Bamars, ethnie dominante du pays et ici ultra-minoritaires.

Ces villageois vivent dans des maisons de bois et de bambou, établies sur des îles artificielles, faites de racines rassemblées et piquées sur le fond du lac par des bambous.

Des paysans cultivent, sur des jardins artificiels, des tomates et d’autres légumes. Des pêcheurs lancent leurs filets depuis de très longues barques, naviguant d’une façon très particulière, debout sur un pied à l’avant du bateau, l’autre jambe enroulée autour d’une longue rame. D’autres encore sont fondeurs d’or ou d’argent, sculpteurs sur bois, tisserands de coton, de soie ou de fil de lotus.

Des pagodes magnifiques, elles aussi sur pilotis, en bois de teck, recouvertes d’or et de fresques, dont celles de Phaung Daw Oo, temple sacré pour les Shans, et un monastère somptueux, le Nga Phe Kyaung, sanctuaire particulièrement sacré pour les Shan, où sont cachés de magnifiques bouddhas de bois sculpté.

Pendant les décennies de dictature, le tourisme y était extrêmement limité ; moins de 200 000 personnes y sont venues depuis septembre dernier.

Mais ce nombre va exploser, soit en occupant les rares hôtels lacustres, dont le nombre est heureusement contingenté, soit en logeant dans les villages côtiers et en passant la journée à sillonner le lac sur des barques à moteur, bruyantes et polluantes.

Si on continue ainsi, le lac Inlé est condamné à une mort très rapide.

Humainement, parce qu’il est le point de rencontre de toutes les violences : des groupes rebelles y échangent, avec des trafiquants, des armes contre de la drogue et des pierres précieuses.

Ecologiquement, parce le lac n’est alimenté en eau que par la pluie et le ruissellement des montagnes environnantes. Il est pollué par les eaux usées d’une population croissante, par le déboisement des collines environnantes, par l’usage d’engrais de très mauvaise qualité et par les moteurs diesels de bateaux, sans pot d’échappement, qui ajoute la pollution sonore à celle de l’eau.

D’ores et déjà, les algues prolifèrent ; une jacinthe d’eau, venue on ne sait comment du Brésil, recouvre de plus en plus le lac et obstrue les canaux. Et les restaurants des hôtels lacustres ne servent plus ni poisson, ni tomate venus du lac.

Face à cela, presque rien, sinon deux ou trois panneaux demandant aux habitants de réduire l’usage des engrais chimiques.

Il est urgent d’interdire l’usage des polluants ; d’organiser l’évacuation des eaux usées ; de limiter le nombre de bateaux à moteur et de faire classer le site par l’Unesco.

Il est aussi urgent de penser à ce pays non seulement comme un lieu de conquête de la démocratie, et de lutte contre la pauvreté, mais aussi de protection de certains des plus grands trésors de l’humanité.

Un lieu de plus, comme le Bhoutan, la vallée de l’Orkhon en Mongolie ou l’Ile de Pâques, mesure de nos folies, appel à une sagesse retrouvée.

On peut espérer que de tels sujets seront traités au Sommet de Rio qui se tiendra la semaine prochaine.