Où vont la médecine, la maladie, la santé ? La crise de nos sociétés ne plonge-t-elle pas ses racines les plus profondes en ce domaine où les attitudes et les conceptions risquent, d’ici la fin du siècle, de se trouver radicalement bouleversées ? Telle est la première interrogation à laquelle répond Jacques Attali dans cette « économie politique du mal » réalisée au terme de plusieurs années de réflexion et d’enquête, notamment aux USA, au Japon et partout en Europe.

Si la vie risque de devenir de plus en plus un bien économique, s’il est vrai que l’hôpital va se vider, que l’exercice de la médecine est en passe de céder le pas devant l’utilisation des prothèses, encore ne faut-il pas se borner à constater ces évolutions prévisibles, mais se demander : comment en est-on arrivé là depuis que les hommes tentent de désigner le mal, de le conjurer et de le séparer ?

Jacques Attali répond en appuyant son analyse contemporaine et prospective sur une vaste synthèse historique montrant, dans leurs dimensions mondiales, les principaux tournants de l’histoire de la médecine, de l’hôpital, des épidémies, de la charité, de l’assurance, jalonnée par les hégémonies successives du guérisseur, du prêtre, du policier puis du médecin dont le règne aujourd’hui touche à sa fin. Au terme de cette double enquête-réflexion – sur le terrain où s’esquisse l’avenir, dans le passé où il s’explique -, on est conduit à se demander si, de la consommation réelle des corps dans les sociétés cannibales de jadis à la consommation des copies du corps que nous prépare l’ère des prothèses, nous sommes jamais sortis d’un ordre cannibale, ou encore si notre société industrielle n’a jamais été rien d’autre qu’une machine à traduire un cannibalisme vécu en cannibalisme marchand.