La campagne pour les élections régionales aura été consternante. Malgré les efforts louables de certains candidats, l’on aura très peu débattu des sujets concrets concernant chaque région. Et pourtant, que d’enjeux qui auraient mérité qu’on en parle, région par région: emploi, transport, logement, urbanisme; tous appellent des choix qui engagent l’avenir et même la survie de chaque collectivité dans la grande compétition qui commence entre les provinces d’Europe.

Cet échec est l’occasion de se demander si la France dispose de la meilleure démocratie possible. Certes, nous en avons toutes les apparences et quelques unes des réalités. Mais si la démocratie consiste à permettre aux citoyens de prendre librement, et en étant parfaitement informés, les meilleures décisions possibles, dans l’intérêt des générations présentes et futures, alors nous ne sommes pas en démocratie aujourd’hui. Et tout se passe comme si une élection, quelle qu’elle soit, n’était qu’un des multiples sondages d’opinion, consistant en général à répondre à une question qui n’est pas posée; même au moment de l’élection présidentielle, où, trop souvent, on ne vote pas pour élire un candidat, mais pour éviter qu’un autre le soit.

Dans les années récentes, la démocratie a reculé en France de très nombreuses façons: avec le transfert d’un grand nombre de décisions à l’Union européenne sans que celle-ci se dote d’institutions démocratiques véritables; avec la multiplication des agences indépendantes, des hautes autorités et des comités consultatifs dont les avis sont transformés en décisions que nul n’ose contredire; avec la mondialisation qui donne tout pouvoir aux marchés; la médiatisation de la vie privée des dirigeants politiques; et enfin avec la réduction du mandat présidentiel, qui lui interdit d’être provisoirement impopulaire, et calque son mandat sur celui du Parlement.

La démocratie a, à l’inverse, fait quelques progrès, avec le droit du Parlement de prendre l’initiative de la loi; le renforcement des  pouvoirs de contrôle du Parlement et de la Cour des comptes; le renforcement, fragile, de la vie des partis; et enfin avec la multiplication des sites d’informations.

Il est urgent de tenter de faire mieux. D’abord, il faudrait améliorer la connaissance par les citoyens de leurs devoirs de citoyens, qu’ils connaissent bien moins que leurs droits: devoirs de débattre, d’étudier et de voter. Ensuite, évidemment, en faisant progresser, autant qu’il est possible la démocratisation des institutions européennes. Enfin, à l’échelle nationale, d’abord, modifier le mode de désignation des sénateurs, qui devraient continuer de surreprésenter les territoires, sans pour autant favoriser un camp politique sur un autre.  Ensuite, en mettant en ligne en direct et en podcast les débats de toutes les assemblées, de la commune au Parlement  en passant par les Syndicats de communes et les régions.

Enfin  il serait utile de redonner du poids au long terme. En rétablissant la durée du mandat présidentiel à 7 ans, pour que celui-ci ait le temps de prendre des mesures provisoirement  impopulaires. Et en instituant une troisième chambre, consultative, qui  devrait parler au nom des générations qui n’ont pas encore le droit de vote, en particulier en matière de fiscalité, d’environnement, d’éducation et de retraite. Cette chambre pourrait se confondre avec le Conseil Economique et Social, si celui-ci en avait le mandat clair, ce qui n’est pas le cas; elle pourrait  favoriser des manifestations de la démocratie  la plus directe, en généralisant, pour les grands débats d’intérêt général, les techniques utilisées lors des grandes décisions d’urbanisme et en mettant  en particulier à la disposition des citoyens sur Internet un grand nombre d’information aussi complètes et non polémiques que possible. On pourrait, pour commencer, l’appliquer aux trois grands débats qui nous attendent dans les mois à venir, sur les retraites, la dépendance, et l’emploi.

Voici quelques idées, que chacun pourrait utilement compléter dans les débats ici ouverts.