Encore une fois, à l’approche de l’été, les quartiers dit « sensibles » des banlieues défavorisées vont redevenir d’actualité.  Pour de mauvaises raisons.

Beaucoup de signes laissent penser en effet  que leurs habitants seront parmi les principales  victimes de l’approfondissement de la crise. Car, à supposer même, (hypothèse fragile,)  que la crise financière s’éloigne, le chômage va s’aggraver en France,  pendant au moins un an sinon deux. En particulier celui des jeunes, et d’abord  ceux des banlieues, les plus fragiles, les plus menacés, même s’ils sont  de plus en plus diplômés.  Par ailleurs, les difficultés de financement de l’Etat et des collectivités locales seront d’abord concentrées sur les communes ayant le moins d’entreprises sur leur  territoire  et  le moins de recettes fiscales directes ; donc sur les communes où se trouvent ces quartiers.

Malgré tous les efforts entrepris par les élus de tout bord, des administrations spécifiques et par quelques ONG, tous formidablement dévoués et compétents,  ces banlieusards  se pensent déjà  oubliés ; ils  s’intéressent de moins en moins à la vie publique, dont ils n’attendent rien : ils   se sont abstenus plus que d’autres aux élections européennes.  Tout cela laisse craindre une montée de leur frustration,   de leur exaspération. Et l’opinion y sera plus particulièrement sensible : les prises d’otages de cadre  dans les usines,  ou les  attaques de supermarchés par les agriculteurs ou les producteurs de lait choquent moins  que quelques voitures brulées dans des quartiers en déshérence.

Il serait temps de penser à parler autrement de cette partie de la France.  De  comprendre que s’y trouve  une part significative  de la vitalité française.

La vitalité économique  d’abord , parce que toutes les expériences menées aujourd’hui,  à trop petite échelle, démontrent qu’aider  un jeune de banlieue a créer sa propre entreprise, en le conseillant pour qu’il  définisse un projet, établisse une étude de marché, monte un plan de financement et obtienne un prêt bancaire,  coute environ 3000 euros, soit moins du tiers de ce que coute  le même jeune au chômage chaque année. Et avec cette somme, non seulement, il ne dépend plus  de l’aide sociale, mais il crée des richesses et des emplois pour d’autres.

La vitalité culturelle, ensuite, parce que toutes les études démontrent qu’une part importante de la musique, de la littérature et de la peinture d’aujourd’hui (et pas seulement  l’art des rues)  trouvent leurs sources dans les banlieues et  que, même,  l’essentiel des mots nouveaux, en France,   en sont issus.

La vitalité éducative, aussi, parce que l’énergie que mettent ces jeunes à réussir leurs études est sans égale.   Et qu’ils portent une créativité exceptionnelle en matière scientifique et technique.

La vitalité démographique enfin, qui seule permettra de financer les retraites et les déficits budgétaires : ce sont les jeunes des quartiers qui, après-demain paieront,  par leurs impôts et leurs cotisations,  le maintien des  services publics et les retraites de ceux qui ne veulent pas d’eux

Il serait temps de changer d’échelle. Non pas de lancer un nième plan banlieue. Trop a été fait. Mais de simplifier ce qui existe, et de donner une priorité  politique maximale à ces jeunes,  à qui personne ne fait jusqu’ici assez  confiance, et à ces quartiers,  où on ne pense jamais à installer une université, un laboratoire de recherche, un service public.

Leur succès sera celui de tous.