Il n’est pas possible de ne pas entendre le désespoir des jeunes  d’aujourd’hui : Ceux qui font des études sont  perdus dans la complexité des parcours,  la vétusté des lieux d’enseignement, l’absence de bourses et de logements étudiants.

Ceux qui ne font plus d’étude sont soit  au chômage soit trop souvent employés dans des conditions honteuses :   500.000  moins de 25 ans,  (soit   20% de ceux qui sont désireux de travailler)  sont au chômage,  soit   trois fois plus que  dans les autres classes d’âge,  alors que ce taux n’est que de   deux fois supérieur au taux global  dans le reste de l’Union Européenne.

Même  les diplômés ne sont pas particulièrement  protégés : combien de Bac +3, ou  + 5 sont  serveurs de restaurants ou vendeurs dans des grandes surfaces ? Avec, pour les plus pauvres, un chômage particulièrement long  à la sortie des écoles, suivi d’une longue période, faite de stages, trop  souvent sans débouché. Et,  lorsqu’ils trouvent un emploi, c’est presque toujours dans des conditions  particulièrement précaires,   avec des  contrats de courte durée, faiblement générateurs de droits en matière d’Assedic : il faut attendre aujourd’hui en moyenne  27 ans et demi pour avoir son premier contrat à durée indéterminée. Enfin,   s’ils sont les derniers recrutés,  les jeunes sont les premiers licenciés.

Sauf pour une minorité, enfants de professeurs, d’ingénieurs, ou de gens informés, qui,  disposant des moyens de connaitre les meilleures filières, font les meilleures études et obtiennent, souvent par relation,  les meilleurs emplois.

Plus généralement, pas  étonnant si les  jeunes voient très souvent l’avenir avec désespoir : la mondialisation les met en concurrence avec des salariés aussi bien formés qu’eux et dix fois moins chers ;  la crise financière leur annonce dix ans de galère dans des emplois sous valorisés. La crise démographique leur rappelle qu’ils commenceront très tard à financer très mal   une retraite très basse; la crise écologique leur laisse entendre que le monde sera de plus en plus étouffant ; la crise géopolitique, enfin,  leur montre que la longue parenthèse de paix  en Occident (plus de 45 ans sans guerre, même coloniale) pourrait se refermer.

Et leur désespoir grandit encore quand ils voient  la   génération triomphante de baby-boomers, nés pendant les Trente Glorieuses, à qui tout a souri, vivre   leur   retraite, plus nombreux que jamais, à leurs crochets.   Quand ils comprennent que les  hommes politiques de tous les partis  ont servi et servent encore les intérêts de ces générations bénies des cieux ;  et que les  syndicats servent d’abord les intérêts de ceux qui ont un emploi, et donc pas ceux des plus jeunes.  Que de talents gâchés, par une politique à si courte vue. Que richesses perdues, aujourd’hui et demain, par un tel abandon.

Le pays a  pourtant tout à gagner à investir sur eux. Et pour cela, à exiger la  mise en œuvre de  quelques mesures simples : interdire  d’employer  des jeunes pendant   plus de six mois sans CDI ; réduire les charges  pesant sur leurs emplois ; considérer tout jeune cherchant activement un emploi comme exerçant une activité méritant rémunération ; les aider par tous les moyens à créer leur propre entreprise, à réaliser leur rêve ; et  surtout,  les associer  dignement aux prises de décisions   dans les partis, les syndicats, les associations.  Si on ne le fait pas, on ne pourra pas leur en vouloir de ne pas se résigner.