Dans 20 ans, on se demandera comment on a pu mettre autant de temps, dans la France des années 2000 et 2010, pour comprendre que l’unification d’un monde sans Etat de droit ne pouvait que conduire à la généralisation du chaos.

Pourtant, le chaos était, dans ces années-là, de plus en plus visible. Il s’est installé progressivement, inexorablement, mondialement, spectaculairement, bruyamment. Chaos économique, social, écologique, politique, militaire, idéologique.

Moins que jamais, les solutions autarciques n’auront de sens : imagine-t-on la France prétendre affronter seule cette bataille ?

Tant qu’on n’aura pas créé les conditions d’une alliance de toutes les forces du Bien, à l’échelle de la planète, contre celles du Mal, le désordre ne peut que grandir, et les pires violences se multiplieront dans nos rues, perpétrées par les victimes mêmes du chaos idéologique, plus que par celles du chaos économique.

Il y a mille définitions, dans l’Histoire, du Bien et du Mal. Aujourd’hui, le Mal, c’est le terrorisme, d’où qu’il vienne. Le Bien, face à lui, doit être défini d’une façon modeste : il rassemble tous ceux qui s’opposent au Mal – même si nous aurions beaucoup à reprocher, par ailleurs, à certains des pays qui sont nos alliés dans cette bataille.

Pour parvenir à rassembler les forces du Bien, il nous faut appliquer d’urgence un certain nombre de principes simples, qu’on n’a que trop tardé à mettre en œuvre, par faiblesse, par naïveté, par ignorance, par pusillanimité, par procrastination.

D’abord, cesser de nous opposer à la Russie, à l’Iran et même à la Syrie, même si nous n’approuvons pas un grand nombre de leurs comportements : en effet, ces pays sont nos alliés objectifs dans le conflit en cours contre le terrorisme.

Ensuite, unir toutes les forces de toutes ces nations dans ce combat commun. En oubliant toute honte et toute vergogne : sans Staline, jamais Franklin Delano Roosevelt et Winston Churchill n’auraient gagné la guerre contre Hitler. C’est donc l’OTAN qu’il faut aujourd’hui relancer : transformons sa nature et son organisation pour lui permettre de rassembler tous les ennemis de nos ennemis, et pour que ses membres et ses alliés puissent faire face ensemble aux nouvelles menaces. Et c’est l’Europe, plus que jamais nécessaire, qu’il faut doter d’un bras armé.

Enfin, et surtout, réaliser que cette bataille ne se gagnera pas seulement avec des professionnels, aussi nécessaires soient-ils, mais par la mobilisation d’un peuple tout entier, dans la défense de ses valeurs. Pour cela, encore faut-il qu’elles soient enseignées à l’école, qu’on ait envie de se battre pour elles, qu’on apprenne à le faire dans un service militaire rétabli, dans une mobilisation citoyenne permanente, dans une défense civique généralisée. Et surtout par la pratique d’un discours clair et cohérent, expliquant ce en quoi nous croyons ; ce en quoi croient les jeunes, principales victimes des attentats. Il n’est pas normal que seul le président des Etats-Unis ait rappelé, dans l’heure qui suivit le désastre, notre devise, si inspirante : « liberté, égalité, fraternité ».

A partir d’aujourd’hui, on va peut-être enfin se décider à tout revoir à l’aune de cette bataille ; elle va conditionner tout le reste. Elle va conduire à repenser, comme on aurait dû le faire depuis longtemps, nos budgets de Défense, de police, d’éducation, de santé. Elle va influencer les prochaines élections régionales et devrait structurer les programmes des candidats à l’élection présidentielle de 2017. Elle devrait en particulier déterminer notre politique étrangère et notre politique européenne.

Le temps presse.