Parmi les  rituels de la gauche,    les universités d’été offraient  jusqu’ici de belles occasions de se retrouver pour  sourire, annoncer des projets pour l’année à venir et lancer au moins un vrai débat. Cette année, non seulement les universités d’été se balkanisent, (chaque courant de la gauche et du parti socialiste trouvant utile de tenir la sienne), mais le débat le plus sérieux qui aurait pu occuper l’université socialiste  de la Rochelle à la fin du mois d’Aout semble déraper dans une succession d’invectives pathétiques.

La question est pourtant fondamentale : comment sera choisi le   candidat de  la gauche aux élections présidentielles de 2012 ? Si on ne trouve pas rapidement  de solution claire à ce problème, tous ceux qui piaffent de voir leur tour arriver n’accepteront pas la légitimité des procédures aujourd’hui en place et se présenteront. Nous aurons alors au moins cinq candidats venus du parti socialiste (Ségolène Royal, Martine Aubry, Vincent  Peillon, Manuel Vals et Arnaud Montebourg) pendant que   quelques-uns  des  meilleurs   (Dominique Strauss Kahn et Laurent Fabius) s’abstiendront, permettant à  Olivier Besancenot  d’etre présent  au deuxième tour face à  Nicolas Sarkozy,  qui sera alors réélu avec 80% des voix.

Pour contourner cet obstacle, et donner au futur candidat de la gauche  la légitimité maximale, certains,  comme l’excellent club Terra nova,  proposent de faire désigner le candidat par tous les » sympathisants » du parti socialiste, ou même par tous les sympathisants de toute  la gauche. Pour etre considéré comme  « sympathisant », il suffirait de s’inscrire sur une liste électorale, sans payer de cotisation.

L’avantage de ce processus serait considérable : le candidat serait porté par un vrai débat sur son programme, il serait désigné par des millions de gens en toute transparence, et s’imposerait à tous les appareils.  Cela aurait d’innombrables conséquences : les partis ainsi  débordés par leurs sympathisants devraient peu à peu fusionner, et choisir   de la même façon leurs candidats aux autres élections ;   les militants des partis devraient alors  trouver d’autres raisons d’adhérer que de désigner des  candidats à des fonctions aussi  passionnantes que rémunératrices.

Trois   risques ne sont pas à négliger : d’abord, une plus grande mobilisation des sympathisants des partis marginaux aboutissant  à la désignation d’un candidat n’ayant aucune chance d’etre élu : cela prouverait seulement que le parti socialiste, incapable de faire désigner l’un des siens,  est indigne de gouverner. Ensuite, un refus des vaincus d’accepter le vote et le retour à la multiplicité des candidats : celui qui ferait cela n’aurait pas beaucoup de chance de voir sa carrière politique prospérer. Enfin, voir les meilleurs candidats possibles refuser de participer à un tel processus, craignant d’etre victimes de démagogie ou de coup bas : imagine- ton Francois Mitterrand désigné en 1981 par un tel processus, face à un Michel Rocard alors triomphant dans les sondages et donné seul capable de vaincre le président sortant ?) mais là encore, le candidat qui voudrait s’épargner cela aux primaires ne pourrait se l’épargner lors des élections elles-mêmes.

C’est donc  une chance à saisir, pour la gauche, que d’aller aussi loin dans le renouveau de son identité. A condition de se donner ensuite les moyens  d’en tirer les conséquences …